Vers la légalisation, la réglementation et la restriction de l'accès à la marijuana : document de discussion – 3.2 Établissement d'un système de production sécuritaire et responsable

3.2 Établissement d'un système de production sécuritaire et responsable

Points à prendre en compte

En ce qui a trait à l'établissement d'un système de production sécuritaire et responsable, des leçons importantes peuvent être tirées de l'expérience du Canada en matière de production de marijuana à des fins médicales. L'accès légal à la marijuana à des fins médicales a débuté vers la fin des années 1990 à la suite d'une décision d'un tribunal de l'Ontario. Cette décision, ainsi que d'autres qui ont suivi, a confirmé le droit constitutionnel des Canadiens à un accès raisonnable à une source légale de marijuana à des fins médicales. Le programme et le cadre de réglementation ont évolué en fonction de ces décisions.

Trois grands modèles de production ont été utilisés, seuls ou en combinaison : une culture à la maison, une production en vertu d'un contrat avec le gouvernement, et un modèle de commercialisation concurrentiel pour les producteurs autorisés.

Dans le cadre de l'ancien système de culture à domicile, le nombre de Canadiens autorisés à consommer de la marijuana a augmenté de façon exponentielle, passant de moins de 500 à près de 40 000 entre 2002 et 2014. De plus, la quantité de marijuana autorisée a augmenté, en moyenne, à 18 g par jour, soit près de 90 plants. Des problèmes avec le système ont alors émergé, notamment l'augmentation des risques pour les occupants, en raison des moisissures, des pesticides et d'incendies et un risque accru d'introductions par effraction. Les voisins et les propriétaires étaient également touchés, ainsi que les services locaux appelés à gérer les problèmes découlant de la culture à domicile. Il était aussi presque impossible pour les inspecteurs de Santé Canada d'assurer une surveillance efficace des opérations de culture à domicile pour deux raisons principales : le grand nombre de lieux situés partout au pays et l'impossibilité pour les inspecteurs d'entrer dans une résidence privée sans avoir obtenu l'autorisation de l'occupant ou un mandat.

La production en vertu d'un contrat avec le gouvernement avait également ses limites. Santé Canada passait un contrat pour la production d'une certaine quantité de marijuana cultivée selon des normes de qualité précises et vendue par la suite à des personnes autorisées sur le plan médical. Moins de 10 % des personnes choisissaient d'acheter ce produit. On a observé les problèmes suivants : un manque de variété en ce qui concerne le type et la souche, et certaines personnes ont soulevé des préoccupations par rapport au prix. De plus, les prix payés pour l'achat de la marijuana ne permettaient pas le recouvrement de la totalité des coûts, ce qui entraînait l'octroi d'importantes subventions aux frais des contribuables.

Le modèle actuel, le Règlement sur l'accès à la marihuana à des fins médicales (RAMFM), est exclusivement un modèle concurrentiel réglementé. Dans le cadre du RAMFM, en date du 28 juin 2016, on comptait 33 producteurs autorisés et 416 demandes en attente. Également, près de 20 nouvelles demandes sont présentées chaque mois. À l'avenir, ce type de système de marchés concurrentiels pourrait représenter un modèle de production de marijuana. Il présente plusieurs avantages possibles, notamment de pouvoir offrir une vaste variété de souches à divers prix.

En plus de ce modèle concurrentiel réglementé, mais fortement influencé par le marché, d'autres options peuvent être étudiées, dont certaines permettraient une meilleure gestion du marché par le gouvernement. Par exemple, une méthode de vente aux enchères où les demandeurs compétents paient pour avoir le droit d'exercer leurs activités pourrait être considérée. Cette approche est semblable à la façon dont le gouvernement du Canada vend des titres du gouvernement. Un autre modèle exigerait du gouvernement qu'il évalue la taille du marché, détermine le nombre de producteurs pouvant approvisionner ce marché et octroie des licences en conséquence (semblable à l'approche adoptée dans l'État de Washington).

Plusieurs gouvernements ont légalisé l'usage de la marijuana à des fins récréatives, notamment ceux de l'Uruguay et, aux États-Unis, ceux du Colorado, de l'Alaska, de l'Oregon, de l'État de Washington et du District de Columbia. Ils permettent tous la production de marijuana par des producteurs commerciaux autorisés, sauf celui du District de Columbia. De plus, tous ces gouvernements autorisent les personnes à cultiver leur propre marijuana, sauf celui de l'État de Washington. Ils ont tous mis en place des restrictions quant au nombre de plants qu'une personne peut cultiver. Aux États-Unis, le Colorado, l'Alaska et le District de Columbia permettent à leurs citoyens de cultiver au plus six plants. Il en est de même en Uruguay. L'Oregon permet à ses résidents de cultiver quatre plants.

Un des principes clés à prendre en considération pour tous les modèles concerne la question de savoir si ceux qui produisent la marijuana devraient payer des frais de licences afin que les contribuables n'aient pas à subventionner la totalité des coûts de supervision du programme par le gouvernement.

Peu importe le modèle de production choisi, un nouveau cadre réglementaire pour la légalisation de la marijuana pourrait comporter des exigences visant à s'assurer que de bonnes pratiques de production sont en place dans un environnement sain et sécuritaire. Cela pourrait nous aider à gérer les risques possibles pour la santé liés à l'usage de la marijuana, ainsi que la nécessité de s'assurer que la marijuana produite dans le cadre juridique y demeure. De plus, la vérification, l'emballage et l'étiquetage de la marijuana doivent respecter les exigences appropriées, tant pour la protection des enfants que pour communiquer aux adultes les renseignements nécessaires pour faire des choix éclairés. Le RAMFM comporte de telles exigences et pourrait servir de point de référence en ce qui concerne la nature et la portée des mesures de sécurité nécessaires dans le système de légalisation de la marijuana.

Options possibles

  1. Modèle de production : Notre expérience de la culture à domicile et de la production contrôlée par le gouvernement dans un contexte où les consommateurs de marijuana à des fins médicales étaient relativement peu nombreux suggère que ni l'une ni l'autre des approches ne serait dans l'intérêt du public puisque le nombre de consommateurs devrait augmenter avec la légalisation de la marijuana. Par conséquent, une forme quelconque de production par le secteur privé accompagnée de processus appropriés de délivrance de permis et de surveillance par le gouvernement permettrait une production légale de marijuana dans un environnement sain et sécuritaire tout en offrant un choix (prix et souche) adéquat aux consommateurs.
  2. Bonnes pratiques de production : En général, les produits consommables doivent répondre à certaines normes de qualité. Dans le régime de la marijuana à des fins médicales, Santé Canada a mis en place des mesures de contrôle de la composition et de la production du produit qui se sont avérés efficaces pour minimiser les risques pour les clients. De la même façon, des mesures de protection pourraient être prises pour veiller à ce que la marijuana soit produite et entreposée dans des conditions saines et sécuritaires. Des exigences strictes en matière de sécurité pourraient aussi être mises en place afin de minimiser la possibilité de détournement. Des mesures de contrôle pourraient être prises en matière de pesticides et de contaminants microbiens et chimiques. La marijuana devrait aussi faire l'objet d'analyses afin que les consommateurs puissent obtenir des renseignements fiables quant à sa composition, particulièrement en ce qui concerne les taux de THC et de CBD.
  3. Emballage et étiquetage du produit : La façon d'emballer et d'étiqueter le produit permet de minimiser les effets nocifs de la marijuana, particulièrement pour les enfants et les jeunes. Les mesures à prendre en considération comprennent les suivantes : un emballage à l'épreuve des enfants afin de prévenir l'ingestion accidentelle par les enfants et une étiquette sur l'emballage afin d'indiquer des renseignements importants sur le produit (p. ex. les taux de THC et de CBD), ainsi que les mises en garde appropriées en matière de santé.

Questions

  • D'après vous, quel modèle de production est le plus approprié? Quel modèle de production répondrait le mieux aux demandes des consommateurs, tout en assurant que les objectifs de santé et de sécurité publique sont réalisables? Quel est le niveau et le type de réglementation nécessaires pour les producteurs?
  • Dans quelle mesure, s'il y a lieu, la culture à domicile devrait-elle être permise dans un système légalisé? Quelles mesures de surveillance gouvernementale, s'il y a lieu, devraient être mises en place?
  • Un système de délivrance de permis ou d'autres frais devraient-ils être mis en place?
  • Le RAMFM a établi des exigences strictes sur la production, l'emballage,
  • Quel rôle, s'il y a lieu, devraient avoir les producteurs autorisés en vertu du RAMFM dans le nouveau système (soit pendant la période intérimaire ou à long terme)?

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