Vers la légalisation, la réglementation et la restriction de l'accès à la marijuana : document de discussion – 3.1 Minimiser les danger de la consommation
- 1. Introduction
- 2. Contexte
- 3. Points de discussion : éléments d'un nouveau système
- 3.1 Minimiser les dangers de la consommation de marijuana
- 3.2 Établissement d'un système de production sécuritaire et responsable
- 3.3 Conception d'un système de distribution approprié
- 3.4 Assurer la sécurité et la protection du public
- 3.5 Accès à la marijuana à des fins médicales
- 4. Conclusion et références
3.1 Minimiser les dangers de la consommation de marijuana
Points à prendre en compte
L'un des éléments centraux à prendre en compte dans la conception du cadre juridique et réglementaire concernant l'accès légal à la marijuana est l'établissement des caractéristiques systémiques qui permettront de mieux atténuer les risques sociaux et sanitaires associés à la consommation de marijuana.
Dans le cadre de l'examen des moyens à utiliser afin de minimiser au mieux les méfaits associés à la consommation de marijuana, il faut se pencher sur les deux approches différentes utilisées dans le contrôle du tabac et de l'alcool.
Dans le cas du tabac, l'objectif général est de réduire voire d'éliminer sa consommation chez tous les Canadiens.
En revanche, pour ce qui est de l'alcool, l'objectif général est de promouvoir une consommation responsable chez les adultes et d'en interdire la consommation chez les jeunes. Ces objectifs sont principalement atteints par la prise de mesures, notamment en établissant un âge minimal pour l'achat de ce produit, en concevant des outils pédagogiques faisant la promotion d'une consommation responsable et en imposant des mesures de taxation.
Étant donné que la majorité des méfaits liés à la consommation de marijuana semble se produire chez certains consommateurs à haut risque (p. ex., les jeunes) ou en conjonction avec des pratiques de consommation à haut risque (p. ex., consommation fréquente, produits très puissants, conduite avec facultés affaiblies), une approche fondée sur les leçons tirées du contrôle du tabac et de l'alcool devrait être envisagée. Les deux approches sont basées sur un ensemble détaillé de mesures visant les consommateurs à haut risque par l'entremise de la prévention, de l'éducation et du traitement, de même que par la mise en œuvre de politiques et de mesures législatives.
Peu de pays sont parvenus à diminuer le taux de tabagisme et à modifier l'attitude de la population à l'égard du tabac comme l'a fait le Canada. Le taux de tabagisme au Canada est parmi les plus faibles dans le monde : il est passé de 22 % en 2001 à 15 % en 2013. Depuis 2001, les mesures prises dans le cadre de la Stratégie fédérale de lutte contre le tabagisme du gouvernement du Canada ont contribué à jeter les bases d'un contrôle réussi du tabagisme. Voici la liste de ces mesures :
- l'application des restrictions relatives à la publicité sur les produits du tabac;
- l'imposition de messages relatifs à la santé sur les emballages de produits du tabac;
- l'établissement d'un âge minimum pour acheter des produits du tabac;
- la diffusion de campagnes d'information en matière de santé publique contre le tabagisme;
- la modification de la taxe d'accise afin de rendre les produits du tabac moins abordables et accessibles.
De plus, toutes les provinces et tous les territoires ont adopté leur propre législation sur le tabac. De nombreuses municipalités ont également pris des mesures dans leurs domaines de compétences. Ensemble, ces mesures ont permis de réduire le taux de tabagisme chez les jeunes Canadiens de 15 à 17 ans à 7 %. Un autre aspect clé à la base du succès des efforts de la lutte contre le tabagisme au Canada est le fait que fumer est devenu socialement inacceptable et n'est plus la « norme », surtout chez les jeunes.
En revanche, la consommation d'alcool est grandement normalisée au sein de la société canadienne : près de 75 % des Canadiens d'âge adulte ont indiqué avoir consommé de l'alcool au cours de l'année précédente. Cette situation peut s'expliquer en partie par les différentes mesures réglementaires et autres contrôles mis en place. Par exemple, la commercialisation et la promotion de l'alcool se font toujours de manière énergique auprès des adultes.
Lorsqu'on examine les cadres actuels relatifs au contrôle du tabac et de l'alcool, il faut souligner les différentes approches prises par le gouvernement fédéral en matière de réglementation. En ce qui concerne le tabac, la Loi sur le tabac protège la santé des Canadiens en imposant certaines normes minimales, notamment en ce qui a trait au nombre de cigarettes vendues dans les paquets, à l'interdiction de saveurs qui plaisent aux jeunes et à l'âge minimal pour pouvoir acheter des produits du tabac afin de protéger les jeunes. En revanche, pour ce qui est de l'alcool, il n'existe pas de normes minimales nationales comparables et la surveillance réglementaire fédérale concerne principalement les exigences relatives à l'étiquetage des produits.
Ces deux exemples soulignent différentes approches réglementaires, ainsi que le potentiel de réglementation du même produit par les divers ordres de gouvernement.
Les premières expériences dans les États du Colorado et de Washington suggèrent fortement que le gouvernement devrait prendre des mesures afin d'éviter la commercialisation, notamment la promotion et la publicité, de la marijuana produite de manière légale puisque cela pourrait mener à une consommation à grande échelle. Il est très important d'empêcher l'usage répandu ou la « normalisation », surtout si l'on tient compte du fait qu'il faut diminuer le taux de consommation chez les jeunes Canadiens. La marijuana n'est pas une substance bénigne et les preuves scientifiques démontrent clairement que les jeunes présentent des risques plus élevés d'en ressentir les effets néfastes. Protéger les jeunes et les enfants des conséquences négatives de la consommation de la marijuana est au centre de l'intérêt du gouvernement de légaliser, réglementer et restreindre son accès.
Comme dans le cas des réglementations concernant le tabac et l'alcool, le besoin d'une approche détaillée en matière de prévention, d'éducation et de traitement est clair. Elle doit comprendre l'élaboration de stratégies d'éducation publique destinées à mieux informer les jeunes et les familles des risques et des méfaits de la marijuana, de concert avec une gamme d'autres mesures de protection décrites ci-dessous.
Options possibles
Il est proposé que l'établissement d'une norme nationale minimale pour protéger les Canadiens soit considéré comme essentiel. Il est donc suggéré que des lois et des règlements fédéraux soient élaborés afin de créer un cadre général régissant l'accès légal à la marijuana. Ce cadre portera sur les points suivants :
- Âge minimal requis pour acheter de la marijuana : La protection de la santé, surtout celle des enfants et des jeunes, exige l'établissement d'un âge minimal pour pouvoir acheter et être en possession de marijuana. Les études scientifiques indiquent que les risques que présente la consommation de marijuana sont élevés jusqu'au développement complet du cerveau (qui se produit environ à l'âge de 25 ans). En comparaison, l'âge minimal pour acheter des produits du tabac et de l'alcool au Canada varie selon les provinces et territoires : il est de 18 ou de 19 ans. Dans les États du Colorado et Washington, les gouvernements ont décidé que l'âge minimal pour acheter de la marijuana serait le même que pour acheter de l'alcool, c'est-à-dire 21 ans.
- Restrictions en matière de publicité et de commercialisation afin de minimiser la notoriété et l'attractivité des produits : Étant donné que les activités de commercialisation, de publicité et de promotion de la marijuana ne serviraient qu'à « normaliser » sa présence dans la société et encourageraient et augmenteraient sa consommation, il est proposé de les limiter formellement afin d'empêcher la consommation de marijuana à grande échelle et d'atténuer les méfaits qui y sont associés. Cela s'applique tout particulièrement au matériel promotionnel qui viserait les jeunes impressionnables. Comme pour le tabac, il peut exister des limites quant aux restrictions qui peuvent être imposées en matière de commercialisation, de publicité et de promotion de la marijuana. Toutefois, à l'intérieur de ces limites, les restrictions doivent être aussi sévères que possible. De plus, d'autres limites pourraient comprendre la vente de produits dans des emballages neutres qui comportent des messages relatifs à la santé appropriés.
- Taxation et établissement des prix : Lorsqu'ils sont utilisés de manière appropriée, les taxes et les prix peuvent constituer des mesures de contrôle efficaces afin de décourager la consommation de marijuana, et de fournir au gouvernement les revenus nécessaires pour compenser les coûts connexes (notamment ceux liés aux services de traitement de la toxicomanie et d'application de la loi, de même qu'à la surveillance réglementaire). Ainsi, la conception de tout cadre réglementaire devra prévoir un régime de taxation approprié qui dispose d'une souplesse suffisante pour contrôler le prix final demandé au consommateur. Cependant, l'utilisation de ces mesures de contrôle pour décourager la consommation doit prendre en compte la nécessité de réduire l'attrait du marché noir et de contrer la production illégale et le trafic.
- Limites du taux de THC permis dans la marijuana : Le THC est le principal composant psychoactif de la marijuana. Les recherches actuelles indiquent des taux de THC moyens variant entre 12 % et 15 %. Par contre, dans les années 1980, le taux de THC moyen était de 3 %. De plus, des produits de marijuana plus puissants, comme le « shatter », présentant un taux de THC pouvant aller jusqu'à 80 % ou 90 % sont disponibles. Comme souligné dans la section 1, les produits à concentration plus élevée présentent plus de risques et les effets à long terme ne sont pas connus. Ces risques sont plus graves pour les jeunes, y compris les enfants. Étant donné les risques importants pour la santé, des limites quant au taux maximal de THC peuvent être établies et les produits à taux élevé pourraient être formellement interdits.
- Restrictions sur les produits de marijuana : La marijuana peut être consommée de diverses façons et sous diverses formes : aliments, friandises, baumes ou crèmes. Certaines personnes choisissent ces méthodes de consommation plutôt que de fumer de la marijuana séchée. Toutefois, certains produits présentent des risques accrus, surtout si l'on tient compte de la plus grande puissance de certains de ces produits dérivés et des méfaits importants associés à leur consommation. Ils représentent aussi un risque accru d'ingestion accidentelle ou non intentionnelle, surtout chez les enfants. C'est ce qu'on a constaté dans l'État du Colorado où la disponibilité des produits comestibles a mené à une augmentation du nombre de surdoses accidentelles ou non intentionnelles (non mortelles). Par conséquent, l'État a modifié son cadre réglementaire afin de limiter les doses et la puissance des produits. Il est entendu que les personnes peuvent cuisiner des aliments en utilisant des produits de marijuana pour leur consommation personnelle si elles le désirent. Toutefois, il faut prendre en considération le traitement de ces produits comestibles dans le cadre du nouveau système en raison des risques importants qu'ils présentent pour la santé, surtout chez les enfants et les jeunes. Il faudra aussi songer à la possibilité et à la façon de limiter la puissance de la marijuana et les types de produits vendus.
- Limites sur les quantités autorisées aux fins de consommation personnelle : La plupart des gouvernements ont fixé des limites aux quantités de marijuana qu'une personne peut avoir en sa possession. De cette façon, il est plus facile de restreindre la demande et de minimiser les occasions de revente sur le marché noir (surtout aux enfants et aux jeunes) de marijuana achetée de manière légale.
- Restrictions quant aux endroits où la marijuana peut être vendue : La disponibilité de la marijuana par l'entremise d'un réseau de distribution au détail est aussi un élément important dont il faut tenir compte lorsqu'il s'agit de minimiser les méfaits de sa consommation. Cette question est traitée de manière détaillée à la Section 3.
Questions
- Croyez-vous que ces mesures sont appropriées pour atteindre l'objectif principal, soit la minimisation des méfaits de la marijuana, surtout en ce qui concerne la protection des enfants et des jeunes? Y a-t-il d'autres mesures que le gouvernement devrait envisager en plus de celles-là?
- Quel est votre point de vue concernant l'âge minimal pour acheter de la marijuana et en avoir en sa possession? L'âge minimal devrait-il être le même partout au Canada ou serait-il acceptable qu'il soit fixé par chaque province et-territoire?
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