Guide sur les Syndromes associés aux ITS: Ulcérations anogénitales

Le présent guide fournit un aperçu de la prise en charge et du traitement empirique d’ulcérations anogénitales associées aux infections transmissibles sexuellement (ITS). Les ulcérations anogénitales se caractérisent par des lésions anogénitales vésiculeuses, pustuleuses, érosives, ulcéreuses ou croûteuses accompagnées ou non d’une lymphadénopathie régionale.

Sur cette page :

Importance en santé publique

Une étude américaine a démontré qu'environ 70 à 80 % des ulcérations génitales étaient attribuables au virus Herpes simplex (VHS) de type 1 ou 2Note de bas de page 1. L'herpès génital est une infection chronique caractérisée par des épisodes récurrents et une élimination asymptomatique du virus. Le VHS peut se transmettre verticalement au cours de la grossesse ou lors de l'accouchementNote de bas de page 2Note de bas de page 3. L'herpès néonatal peut causer une morbidité grave (y compris des séquelles neurologiques ou sur le plan du développement à long terme) et est associé à un taux élevé de mortalitéNote de bas de page 4Note de bas de page 5Note de bas de page 6.

La syphilis peut provoquer des ulcérations anogénitales apparaissant au site d'inoculation. Si elle n'est pas traitée, la syphilis entraîne de nombreuses complications graves. La syphilis peut être transmise verticalement lors de la grossesse et la syphilis congénitale peut avoir des conséquences graves pour les nouveau-nés et être fataleNote de bas de page 7. Même après un traitement pour la syphilis, le risque d'issues défavorables de la grossesse reste significativement plus élevé que pour les grossesses sans infectionNote de bas de page 8.

Les personnes atteintes d'ulcérations anogénitales ont un risque accru d'acquérir ou de transmettre le VIHNote de bas de page 9Note de bas de page 10.

Étiologie courante associée aux ITS

Les ITS associées aux ulcérations anogénitales comprennent :

Les ulcérations anogénitales chez les jeunes personnes sexuellement actives sont le plus souvent associées à une infection transmissible sexuellement (ITS)Note de bas de page 1.

Le VHS-1 et VHS-2 représente 95 % des cas d'ulcérations anogénitales associées aux ITSNote de bas de page 11.

Puisque plusieurs provinces et territoires font face à des éclosions de syphilis, envisager un diagnostic de syphilis chez les personnes présentant des ulcérations anogénitales et des éruptions cutanées ou une rectite.

La lymphogranulomatose vénérienne (LGV) devrait également être envisagée comme cause possible d'ulcérations anogénitales. Depuis 2004, des éclosions de LGV sont survenues au Canada, principalement chez les hommes gais, bisexuels et autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (gbHARSAH).

Envisager le chancre mou (Haemophilus ducreyi) et le granulome inguinal (Klebsiella granulomatis) chez les personnes ayant eu des relations sexuelles lors d'un voyage dans une région endémique, chez les personnes dont le partenaire sexuel est originaire d'une région endémique, et dans un contexte d'éclosionNote de bas de page 12Note de bas de page 13Note de bas de page 14Note de bas de page 15Note de bas de page 16Note de bas de page 17. Le chancre mou est considéré une cause majeure d'ulcérations anogénitales en Afrique subsaharienne et dans de nombreuses régions de l'Asie du Sud-Est et de l'Amérique latineNote de bas de page 18. Le granulome inguinal est endémique dans certaines régions tropicales et en développement, notamment en Inde, en Papouasie, en Nouvelle-Guinée, dans les Caraïbes, en Australie centrale et en Afrique australeNote de bas de page 19.

Les ulcérations génitales peuvent également être attribuables à des infections fongiques, virales ou bactériennes non transmissibles sexuellement ainsi qu'à des affections non infectieuses de la peau et des muqueusesNote de bas de page 12Note de bas de page 13Note de bas de page 14Note de bas de page 15Note de bas de page 16Note de bas de page 17.

Lors de l'évaluation, il est possible d'identifier plus d'une étiologieNote de bas de page 20.

Même après une évaluation diagnostique complète, au moins 25 % des personnes avec des ulcérations anogénitales n'ont aucun diagnostique confirmé par analyse de laboratoireNote de bas de page 21.

Manifestations cliniques

ITS Apparence
d'ulcération(s)
Site Autres caractéristiques

Herpès génital (VHS)

  • Vésicules ou pustules regroupées se transformant en ulcères superficiels circulaires ou confluents sur une base érythémateuse, qui peuvent prendre quelques semaines à cicatriser
  • Bords et base lisses
  • N'importe où dans la région recouverte par un « caleçon boxeur »
  • Gland, prépuce, pubis, aine, corps du pénis, col de l'utérus, vulve, vagin, périnée, anus, rectum, jambes et fesses
  • Les ulcères sont généralement douloureux ou prurigineux.
  • Douleur génitale
  • Ganglions lymphatiques inguinaux hypertrophiés, non mobiles et sensibles à la palpation (plus fréquent dans le cas d'une infection primaire)
  • Les symptômes généraux, tels que la fièvre, des malaises et une pharyngite, sont courants dans le cas d'une infection primaire.
  • Tableau clinique atypique, y compris des fissures linéaires sur la vulve ou dans le rectum
  • Période d'incubation : 1 à 26 jours; médiane de 6 à 8 jours pour l'herpès génital primaireNote de bas de page 22
  • Épisodes récurrents, surtout dans le cas d'une infection au VHS de type 2

Syphilis primaireNote de bas de page 23

  • Papule se transformant en chancre
  • Induration accompagnée d'exsudat séreux
  • Ulcération unique dans 70 % des cas
  • Bords et base lisses
  • Au point d'inoculation
  • Les lésions orales, intra-anales ou des voies génitales internes peuvent passer inaperçues.
  • Chancre indolore
  • Ganglions lymphatiques souvent fermes, hypertrophiés, non mobiles et non sensibles à la palpation
  • Les lésions peuvent guérir sans traitement
  • Période d'incubation: 3 à 90 jours

LGV

  • Papule unique pouvant s'ulcérer
  • Au point d'inoculation (pénis, rectum, vulve, vagin, cavité buccale, parfois col de l'utérus)
  • Ulcère indolore
  • Le plus souvent observée chez les gbHARSAH présentant des symptômes rectaux (rectite)
  • Lymphadénopathie inguinale ou fémorale douloureuse, habituellement unilatérale
  • Présence possible de signes et de symptômes d'urétrite
  • Si l'infection n'est pas traitée, une fibrose peut entraîner l'apparition de fistules, de sténoses, et une obstruction lymphatique causant l'éléphantiasis
  • Période d'incubation: 3 à 30 jours

Chancre mou

  • Une ou plusieurs ulcérations nécrosantes
  • Au point d'inoculation
  • Organes génitaux externes, rarement dans le vagin ou sur le col de l'utérus
  • Ulcération douloureuse
  • Adénopathie régionale souvent douloureuse et suppurative accompagnée d'un érythème et d'un œdème de la peau
    sus-jacente,
  • Période d'incubation: 5 à 14 jours

Granulome inguinal

  • Une ou plusieurs lésions ulcéreuses évolutives
  • Richement vascularisé (coloration rouge vif)
  • Saigne facilement au toucher
  • Variantes hypertrophiées, nécrotiques et sclérosées
  • Au point d'inoculation : généralement dans la région génitale, anale ou inguinaleNote de bas de page 24
  • Indolore
  • Période d'incubation: 1 à 180 jours
  • Une récidive peut se produire de 6 à 18 mois après la fin d'un traitement apparemment efficace

Tests diagnostiques

Dans les cas d'ulcérations anogénitales, un test détection pour le VHS et pour la syphilis devraient faire partie des examens essentielsNote de bas de page 25. Se reporter aux guides propres à l'étiologie pour de l'information sur les tests diagnostiques et l'interprétation des résultats.

VHS

Syphilis

Autres tests

Traitement empirique et prise en charge

La décision de traiter de façon empirique ou d'attendre les résultats des tests doit être fondée sur :

Envisager un traitement empirique pour l'herpès génitalNote de bas de page 31Note de bas de page 32Note de bas de page 33. Les objectifs du traitement sont d'accélérer la guérison, de prévenir les complications et de réduire le risque de transmissionNote de bas de page 34. Consulter le guide sur l'Herpès génitale pour connaître les recommandations pour le traitement.

Chez les personnes ayant des facteurs de risque pour la syphilis ou la LGV et un tableau clinique compatible, envisager un traitement empirique lorsque le suivi est incertain. Consulter les guides sur la Chlamydia et LGV ou la syphilis pour connaître les recommandations pour le traitement, le cas échéant.

Envisager consulter un collègue expérimenté si le chancre mou ou le granulome inguinal est suspecté.

Suivi

Prévoir une visite de suivi pour fournir les résultats des tests, effectuer une réévaluation et confirmer le diagnostic.

L'indication pour le test de contrôle dépend de l'agent pathogène confirmé par les analyses de laboratoire. Dans le cas d'infection suspectée ou confirmée d'herpès génital, de LGV ou de syphilis, consulter les guides propres à l'étiologie pour connaître les recommandations pour le suivi et le test de contrôle.

Envisager consulter un collègue expérimenté pour la prise en charge, le traitement et le suivi lorsque le chancre mou ou le granulome inguinal est suspecté.

Répéter le dépistage du VIH si le test de dépistage initial a été réalisé pendant la période fenêtre.

Déclaration et notification aux partenaires

Lorsqu'un traitement pour une ITS est indiqué, il convient de notifier, d'évaluer, de dépister et de traiter (le cas échéant) les partenaires sexuels. Consulter les guides propres à l'étiologie pour connaître les recommandations sur la déclaration obligatoire et la notification aux partenaires.

Consulter l'autorité de santé publique locale pour connaître les exigences de déclaration obligatoire et de notification aux partenaires pour le chancre mou et le granulome inguinal.

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