Archivée – Guide de la détermination de l'admissibilité Chapitre 8 - Section 1
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8.1.0 Fondement législatif
Les dispositions de la Loi, touchant les conflits collectifs, confirment la volonté de neutralité exprimée par le Parlement au sujet de l'administration des fonds publics constitués surtout de cotisations des deux parties – employeurs et travailleurs – traditionnellement impliquées dans les conflits collectifs, qui y possèdent des intérêts manifestement divergents Note de bas de page 1 .
Il y est prévu que soit prononcée une décision d'inadmissibilité dans le contexte suivant Note de bas de page 2 :
Sous réserve des règlements, le prestataire qui a perdu un emploi ou qui ne peut reprendre un emploi en raison d'un arrêt de travail dû à un conflit collectif à l'usine, à l'atelier ou en tout autre local où il exerçait un emploi n'est pas admissible au bénéfice des prestations avant :
- soit la fin de l'arrêt de travail;
- soit, s'il est antérieur, le jour où il a commencé à exercer ailleurs d'une façon régulière un emploi assurable.
Qui plus est, il est précisé, dans le texte législatif, que Note de bas de page 3
La Commission peut . . . prendre des règlements précisant le nombre de jours d'inadmissibilité dans une semaine dans le cas du prestataire qui a perdu un emploi à temps partiel ou qui ne peut reprendre un emploi à temps partiel pour la raison mentionnée au paragraphe (1).
L'intention ici est de ne rendre le prestataire inadmissible que dans la mesure de l'emploi à temps partiel qu'il a perdu ou qu'il ne peut reprendre à cause de l'arrêt de travail. Le nombre de jours d'inadmissibilité dans une semaine peut être inférieur à cinq Note de bas de page 4 .
En outre, il faut savoir que l'inadmissibilité peut être suspendue, à certaines conditions, lorsque le prestataire prouve qu'il a autrement droit à certains genres de prestations Note de bas de page 5 .
Toutes ces dispositions relatives à l'inadmissibilité ne seront pas applicables si le prestataire prouve Note de bas de page 6 :
. . . qu'il ne participe pas au conflit collectif qui a causé l'arrêt de travail, qu'il ne le finance pas et qu'il n'y est pas directement intéressé.
8.1.1 Objet
Le compte d'assurance-emploi qui sert à verser les prestations est constitué des sommes prélevées à titre de cotisations sur les revenus des salariés Note de bas de page 7 et des cotisations payées par les employeurs Note de bas de page 8 . Les conflits de travail reposent généralement sur des intérêts divergents pour ces deux groupes de cotisants; il ne saurait être question dans ce contexte d'utiliser les ressources de ce fonds à l'avantage de l'une ou l'autre des parties Note de bas de page 9 .
Exprimant sa volonté d'éviter à tout prix que l'application de la Loi sur l'assurance-emploi puisse influer de quelque façon sur les relations patronales-ouvrières, le Parlement a en conséquence édicté des règles strictes Note de bas de page 10 visant à empêcher toute forme de recours à l'assurance-emploi à l'appui d'une des parties au conflit de travail.
Il n'a d'ailleurs jamais été prévu que le régime vise la perte d'emploi de travailleurs participant à de tels conflits, peu importe la partie qui a légitimement raison dans le conflit Note de bas de page 11 . Il ne s'agit nullement là d'une question d'équité; la décision relative à l'admissibilité en de telles circonstances ne repose pas sur le principe de la faute ou du bien-fondé Note de bas de page 12 . La Commission doit faire preuve en ce sens d'une impartialité de tous les instants à chacune des étapes menant à la décision qu'elle doit rendre en cette matière et renoncer à porter tout jugement sur le conflit et à s'y ingérer.
Le fait de refuser des prestations aux prestataires peut certes constituer un argument majeur entre les mains d'un employeur pour mettre fin à un conflit à son avantage; cette approche ne contrevient toutefois pas à la volonté de neutralité exprimée par le Parlement Note de bas de page 13 .
Il faut voir par ailleurs que le fait de verser des prestations à des employés en grève causerait un déséquilibre dans un contexte de négociations qui sont rendues dans une impasse Note de bas de page 14 .
8.1.2 Champ d'application
Les dispositions de la Loi relatives aux conflits collectifs ne sont pas discriminatoires et n'enfreignent aucunement les principes énoncés dans la Loi canadienne des droits de la personne Note de bas de page 15 . Elles s'appliquent avec le même effet à tous les prestataires sans exception, incluant ceux qui exercent un emploi dans le cadre d'un projet de création d'emplois Note de bas de page 16 ou en vertu d'un accord de travail partagé Note de bas de page 17 , mais avec des règles particulières toutefois pour tenir compte du caractère particulier de l'industrie de la pêche Note de bas de page 18 .
En matière d'admissibilité, il faut écarter l'idée que ces dispositions l'emportent sur celles d'autres articles de la Loi; aucune mention en ce sens ne figure d'ailleurs dans le la legislation Note de bas de page 19 . Il serait plus juste de dire que toutes ces dispositions relatives à l'admissibilité aux prestations Note de bas de page 20 coexistent, de sorte que pour une période donnée une personne, tout en remplissant les exigences d'un article précis de la Loi, ne peut somme toute, recevoir de prestations du fait qu'elle ne satisfait pas aux exigences d'un autre article pendant cette même période. Une personne qui est déclarée inadmissible en vertu des dispositions concernant les conflits collectifs peut néanmoins recevoir les prestations auxquelles elle aurait autrement droit pour raisons de grossesse, de soins à donner à un enfant nouveau-né ou placé en vue de son adoption, de maladie, de blessure ou de mise en quarantaine, ainsi que dans le cas d'un cours de formation suivi sur les instances d'une autorité désignée, si elle remplit les conditions prévues dans une disposition particulière qui permet de suspendre l'inadmissibilité en cause Note de bas de page 21 .
La protection qu'offre la Loi concernant le droit d'association syndicale ne s'applique pas lorsque la perte d'emploi est occasionnée par un arrêt de travail dû à un conflit collectif Note de bas de page 22 .
Les dispositions touchant les conflits collectifs ne constituent pas une entrave à l'exercice du droit de grève et ni le fait que l'inadmissibilité se prolonge au-delà du règlement du conflit ne porte atteinte à la liberté d'association telle qu'édictée par la Déclaration canadienne des droits et la Charte canadienne des droits et libertés Note de bas de page 23 . Le droit d'un syndicat de recourir à la grève n'est pas protégé par la liberté d'association de ses membres, et les conséquences de l'exercice de ce droit ne constituent pas une atteinte à cette liberté. Il en va de même des conséquences du droit légitime de l'employeur de recourir au lock-out Note de bas de page 24 .
La règle à la base des dispositions touchant les conflits collectifs n'est pas fondamentalement injuste ou déraisonnable et ne contrevient aucunement à la Charte. Qui plus est, il conviendrait mieux, selon l'esprit de la Loi, de saisir le juge-arbitre d'une question constitutionnelle, plutôt que de s'adresser au conseil arbitral Note de bas de page 25 .
Il faut savoir en outre que les valeurs consacrées dans la Charte, dont celles touchant la liberté d'association, doivent être préférées à une interprétation de la Loi qui leur serait contraire Note de bas de page 26 .
8.1.3 Conditions préalables
Les dispositions de la Loi touchant les conflits collectifs Note de bas de page 27 visent expressément le prestataire
- qui a perdu un emploi ou qui ne peut reprendre un emploi
- en raison d'un arrêt de travail
- dû à un conflit collectif
- à l'usine, à l'atelier ou en tout autre local où il exerçait un emploi.
L'association de ces quatre éléments n'est pas un effet du hasard; elle constitue une condition préalable à l'application de ces dispositions Note de bas de page 28 . Le premier élément d'importance dans ce contexte s'avère être sans contredit l'existence d'un conflit collectif Note de bas de page 29 ; ce conflit doit se situer dans un environnement précis, soit au lieu même où le prestataire exerçait un emploi Note de bas de page 30 . La structure de la clause relative aux conflits collectifs établit en outre des liens essentiels de causalité entre le fait de perdre un emploi ou de ne pas pouvoir reprendre un emploi, l'arrêt de travail et le conflit collectif. Il est donc primordial que le prestataire ait perdu un emploi ou ne puisse reprendre un emploi, et que l'un ou l'autre de ces faits soit attribuable à un arrêt de travail causé par le conflit.
La seule absence d'un de ces quatre éléments suffit pour conclure sans hésitation que les dispositions concernant les conflits collectifs ne s'appliquent pas en l'espèce. Il n'est alors d'aucune utilité de considérer les conditions de non-application Note de bas de page 31 .
8.1.4 Conditions de non-application
Même si, dans une situation donnée, les quatre éléments associés à l'inadmissibilité se trouvent réunis, le prestataire peut tout de même se soustraire à l'application de ces dispositions s'il prouve qu'il Note de bas de page 32 :
- ne participe pas au conflit collectif
- ne le finance pas
- n'y est pas directement intéressé.
Ces conditions de non-application sont liées en ce sens que pour que la disposition soit applicable, elles doivent être remplies en tout temps. Si elles ne sont pas remplies pendant toute la durée de l'arrêt de travail, le prestataire peut être déclaré inadmissible en vertu des dispositions relatives aux conflits de travail.
Dans cette dernière éventualité, l'étape suivante consiste à déterminer le début de la période d'inadmissibilité.
8.1.5 Début de la période d'inadmissibilité
Suivant la situation du prestataire, la période d'inadmissibilité aux prestations va débuter à la plus récente des dates suivantes Note de bas de page 33 :
- le jour où le prestataire a perdu un emploi ou ne peut reprendre un emploi en raison d'un arrêt de travail dû à un conflit collectif;
- le dimanche à partir duquel la demande de prestations a pris effet Note de bas de page 34 ;
- dans des cas exceptionnels, le premier jour à compter duquel le prestataire ne remplit plus l'une des conditions de non-application Note de bas de page 35 .
8.1.6 Inadmissibilité quelques jours par semaine
Une fois fixé le début de la période d'inadmissibilité, celle-ci va se poursuivre de façon continue à l'égard de tout jour ouvrable d'une semaine de chômage, jusqu'à ce que soient remplies les conditions permettant de la suspendre Note de bas de page 36 ou de ne pas l'appliquer Note de bas de page 37 ou que survienne l'une ou l'autre des deux éventualités prévues dans la Loi pour y mettre fin Note de bas de page 38 . Le nombre de jours d'inadmissibilité par semaine peut toutefois être inférieur à cinq dans le cas d'un prestataire qui a perdu un emploi à temps partiel ou qui ne peut reprendre cet emploi en raison d'un arrêt de travail dû à un conflit collectif Note de bas de page 39 . Nous aborderons ce genre de cas dans d'autres sections Note de bas de page 40 .
8.1.7 Suspension de la période d'inadmissibilité
Une inadmissibilité qui se poursuit pendant un ou plusieurs jours par semaine réduit d'autant les prestations payables au prestataire pour une semaine de chômage.
L'inadmissibilité n'a évidemment plus d'effet sur le versement des prestations lorsqu'elle prend fin. Il ne s'agit toutefois pas là du seul cas où le prestataire peut à nouveau recevoir le montant intégral des prestations qui lui sont payables à l'égard d'une semaine de chômage. L'inadmissibilité peut également être suspendue en cas de grossesse, de soins à donner à un enfant nouveau-né ou placé en vue de son adoption, de maladie, de blessure ou de mise en quarantaine, ou pour prodiguer des soins ou du soutien à un membre de la famille gravement malade ou blessé ou dont le risque de décès à l’intérieur d’une période de 26 semaines est élevé ou lorsque le prestataire suit un cours de formation sur les instances d'une autorité désignée par la Commission. Le cas échéant, la Loi porte que Note de bas de page 41 :
L'inadmissibilité prévue au présent article est suspendue pendant la période pour laquelle le prestataire établit avoir autrement droit à des prestations spéciales ou à des prestations en raison de l'article 25 à condition qu'il prouve, de la manière que la Commission peut ordonner, que l'absence de son emploi était prévue et que des démarches à cet effet avaient été effectuées avant l'arrêt de travail.
Ces questions seront traitées plus à fond dans d'autres sections Note de bas de page 42 .
[ octobre 2006 ]
8.1.8 Fin de la période d'inadmissibilité
La Loi porte que le prestataire qui a perdu un emploi ou qui ne peut reprendre un emploi pour les raisons que l'on sait n'est pas admissible au bénéfice des prestations avant, selon le cas, la fin de l'arrêt de travail ou le jour où il a commencé à exercer ailleurs d'une façon régulière un emploi assurable Note de bas de page 43 .
Cette disposition n'écarte pas la possibilité que l'inadmissibilité perde son effet lorsque le prestataire réussit à faire la preuve qu'il remplit désormais les conditions de non-application Note de bas de page 44 .
D'autres facteurs peuvent également mettre un terme à la période d'inadmissibilité Note de bas de page 45 .
8.1.9 Preuve
Si l'on examine la jurisprudence relative à la preuve en matière d'admissibilité aux prestations, on constate que le fardeau de la preuve incombe à la Commission, notamment en ce qui a trait à la présence des quatre éléments énoncés dans les dispositions touchant les conflits collectifs Note de bas de page 46 . La majorité des juges-arbitres soutiennent qu'il incombe à la Commission de démontrer qu'il y a eu perte d'emploi causée par un arrêt de travail dû à un conflit collectif au lieu de travail du prestataire. On retrouve encore aujourd'hui cette prise de position dans la jurisprudence récente Note de bas de page 47 .
Cette affirmation devrait certes être fondée sur la Loi. Or il n'en est rien. Il n'est mentionné à nulle part, dans les dispositions visant les conflits collectifs, que la Commission doit supporter un quelconque fardeau de la preuve.
À qui appartient donc le fardeau de la preuve? Un arrêt de la Cour fédérale Note de bas de page 48 a sorti de l'obscurité où les décisions précédentes semblaient l'avoir plongé un paragraphe plutôt explicite de la Loi sur l'assurance-emploi Note de bas de page 49 .
Il y est clairement énoncé qu'il revient au prestataire, dans tous les cas, de faire la preuve de son admissibilité aux prestations. Cette position cadre d'ailleurs fort bien avec les vues de la Commission. Bien qu'on ait souvent attribué à la Commission le rôle de procureur de la Couronne, qui consiste uniquement à amonceler des preuves contre le prestataire, il n'en est rien.
Les responsabilités de la Commission sont tout autres, étant semblables à celles d'un administrateur avisé dont le principal souci est d'assurer la saine gestion du programme d'assurance-emploi et de décider de l'admissibilité du prestataire aux prestations. Pour mener à bien son mandat, la Commission doit demeurer neutre et objective envers les cotisants; comment concevoir alors qu'elle doive supporter le fardeau de la preuve?
Il revient au prestataire de faire la preuve de son admissibilité aux prestations; le contexte particulier des conflits collectifs n'échappe pas à cette règle. C'est ainsi qu'il appartient au prestataire de démontrer qu'il n'est pas assujetti aux dispositions de la Loi touchant les conflits collectifs Note de bas de page 50 , que celles-ci ne peuvent s'appliquer étant donné sa situation particulière Note de bas de page 51 ou qu'elles ont cessé d'avoir un effet sur son admissibilité. Il en va de même en ce qui a trait à l'établissement du droit aux prestations et aux conditions à remplir pour que l'inadmissibilité soit suspendue Note de bas de page 52 .
La Commission a la responsabilité dans ce contexte de recueillir tous les renseignements pertinents en la matière, que ceux-ci soient à l'avantage ou à l'encontre de l'une ou l'autre des parties en cause; ce sont les faits véritables qu'il convient alors d'examiner et non l'interprétation qu'en ont faite les parties intéressées.
La Commission doit ensuite apprécier la preuve pour décider de l'admissibilité du prestataire aux prestations. À cet égard, elle doit vérifier non seulement la présence des quatre éléments entraînant l'inadmissibilité aux prestations, mais également les conditions de non-application de ces dispositions. La même règle s'applique pour ce qui est de la suspension et de la fin de l'inadmissibilité.
Il y a lieu de remarquer qu'on ne saurait accorder le bénéfice du doute à la personne même qui est tenue de faire la preuve de son admissibilité aux prestations, c'est-à-dire au prestataire.
8.1.10 Articles de journaux et communiqués de presse
Les articles de journaux ne sont à proprement parler qu'une forme manuscrite de ouï-dire Note de bas de page 53 . Au chapitre de l'appréciation des faits, on peut en principe considérer les renseignements ainsi publiées Note de bas de page 54 , mais comme dans le cas de tout autre mode d'information, il faut en évaluer la crédibilité au moment de la prise de décision.
Cette évaluation est particulièrement importante en matière de conflits de travail qui, de par leur nature même, donnent lieu à des déclarations contradictoires de part et d'autre. Il faut garder à l'esprit que les journalistes sont exposés à des renseignements déformés qui leur parviennent des deux parties au conflit. On ne saurait y accorder de l'importance que si l'on est en mesure d'en vérifier le bien-fondé et la véracité auprès des deux parties en cause, l'employeur et le syndicat.
En fait, les articles de journaux et les communiqués de presse doivent être perçus comme étant des indices précieux de la nature d'un conflit parce qu'ils portent sur des particularités telles que la position des parties impliquées, les événements sensationnels de violence, la fin de l'arrêt de travail, etc.
Une fois en possession de ces indices, il faut aller plus loin et souscrire à un principe fondamental de justice naturelle en donnant l'occasion à chacune des parties en cause d'apporter des précisions et des commentaires sur la situation.
Il ne faut pas perdre de vue qu'il appartient au prestataire de prouver son admissibilité aux prestations. C'est ainsi, par exemple, qu'en ce qui concerne les conditions de non-application, le prestataire ou son représentant est tenu de réfuter tout fait défavorable signalé à l'occasion d'un reportage ou d'un communiqué.
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