I. Le Canada en période d’incertitude mondiale

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Au cours des prochaines années, trois tendances clés influeront sur la sécurité et la prospérité du Canada, soit l'ouverture et l'accessibilité accrues de l'Arctique et des régions du Nord en raison des changements climatiques, l'instabilité mondiale croissante et les progrès technologiques rapides.

Le changement climatique et ses effets déstabilisants sur l'Arctique et le Nord

L'accélération du rythme des changements climatiques créera de nouveaux défis en matière de sécurité et amplifiera les défis existants sur le territoire national et dans le monde entier. Le Canada doit investir davantage pour relever ces défis afin de se préparer à des changements à plus long terme et de rester prêt.

Les changements climatiques ont des effets dévastateurs sur les Canadiens d'un océan à l'autre chaque année, alors que la fréquence et l'ampleur des urgences liées au climat augmentent. Les Forces armées canadiennes, y compris les Forces régulières et de réserve et les Rangers canadiens, aident à répondre à un besoin croissant de soutien des autorités civiles dans les interventions en cas de catastrophe naturelle, au pays et à l'étranger, et continueront de répondre aux appels à l'aide. En 2023, le Canada a connu sa pire saison d'incendies depuis 30 ans, ce qui a nécessité l'évacuation de communautés dans tout le pays et le déploiement de plus de 2 100 membres dans six provinces et territoires pendant plus de quatre mois pour leur venir en aide. Les effets ont été particulièrement dévastateurs dans le Nord, nécessitant l'évacuation de toute la ville de Yellowknife et affectant de nombreuses communautés autochtones. Depuis 2010, les opérations des Forces armées canadiennes en réponse aux catastrophes naturelles ont à peu près doublé tous les cinq ans.

Bien que les changements climatiques constituent un problème mondial, ils ont des effets particulièrement graves sur notre Arctique et les régions du Nord, présentant des défis nouveaux et croissants qui ont de nombreuses répercussions sur la sécurité du Canada.

Des membres de la Compagnie d’intervention nationale (CIN) et des réservistes provenant des 38e, 39e et 41e Groupes-brigades du Canada de l’Ouest canadien procèdent à des opérations de lutte contre les incendies de type 3 sous la supervision des services de lutte contre les feux de forêt de la Colombie Britannique (C. B.) lors de l’incendie à Flat Lake, près de 100 Mile House, en C. B., au cours de l’opération LENTUS, le 18 août 2021.

L'Arctique et le Nord font partie intégrante de notre pays, 150 000 Canadiens et des générations de communautés autochtones y vivent. Nous avons la responsabilité de collaborer avec ces communautés pour défendre la région et garantir leur capacité à tirer parti des possibilités offertes par un environnement en mutation rapide. La défense de cette région vaste et difficile, dont les côtes et le territoire sont plus vastes que la totalité de la plupart des autres pays arctiques, au climat rude, et dont les infrastructures physiques et de communication sont limitées, nécessite un engagement total de la communauté et une nouvelle façon d'aborder la défense de notre pays.

Des membres d’équipage du NCSM HARRY DEWOLF et des escortes de la Force opérationnelle terrestre parcourent le terrain accident de l’île Devon au cours de l’opération NANOOK-NUNAKPUT, le 21 août 2021.

Notre Arctique se réchauffe maintenant quatre fois plus que la moyenne mondiale, rendant une région vaste et sensible plus accessible aux acteurs étrangers qui ont des capacités croissantes et des ambitions militaires régionales. D'ici 2050, l'océan Arctique pourrait devenir la route maritime la plus rapide entre l'Europe et l'Asie de l'Est. Notre passage du Nord-Ouest et la région de l'Arctique au sens large sont déjà plus accessibles, et nos adversaires n'attendent pas pour en profiter. Ils recherchent un accès, des voies de transport, des ressources naturelles et des sources d'énergie par une présence et des activités plus fréquentes et plus régulières dans nos territoires souverains. Ils cartographient nos eaux arctiques et nos fonds marins, sondent nos infrastructures et collectent des renseignements. Nous constatons une intensification de l'activité russe lors de nos survols aériens, ainsi qu'un nombre croissant de navires de recherche et de plateformes de surveillance chinoises à double usage qui collectent des données sur le Nord canadien, lesquelles sont, en vertu de la législation chinoise, mises à la disposition de l'armée de ce pays.

Pendant des décennies, nous avons cherché à gérer la région de l'Arctique et du Nord de façon coopérative, en tant que zone exempte de menaces militaires. Pourtant, la Russie continue de moderniser et de renforcer sa présence militaire dans l'Arctique, en investissant dans de nouvelles bases et infrastructures. Elle est hautement capable de projeter des forces aériennes, navales et de missiles à la fois dans et à travers la région arctique au sens large. La Russie possède également une solide présence navale dans l'Arctique avec des sous-marins, des navires de combat de surface et une flotte de brise-glaces beaucoup plus importante que celles des autres puissances de l'Arctique.

De même, bien qu'elle ne soit pas une nation arctique, la Chine cherche à devenir une « grande puissance polaire » d'ici 2030 et démontre une intention de jouer un rôle plus important dans la région. La croissance constante de sa marine, notamment de sa flotte de sous-marins conventionnels et à propulsion nucléaire, appuiera cette ambition. La Chine accroît également ses investissements, ses infrastructures et son influence scientifique industrielle dans toute la région de l'Arctique.

Ces tendances et cette dynamique ont d'importantes incidences sur la défense et la sécurité du Canada. Elles déterminent directement notre vision de l'avenir de la défense au Canada et les initiatives exposées dans cette politique de défense.

Défendre l'Arctique, c'est affirmer la souveraineté du Canada. Pour ce faire, nous devons adopter une nouvelle approche qui améliore et modernise nos défenses dans la région.

La Force opérationnelle de plongée, composée d’unités de plongée constituées de plongeurs-démineurs de l’Unité de plongée de la Flotte (Atlantique), de plongeurs d’inspection portuaire provenant de diverses unités de la Réserve, de plongeurs de combat du 4e Régiment d’appui du génie et de plongeurs français du 2e Régiment étranger de génie, en France, arrive à Tuktoyaktuk, dans les Territoires du Nord Ouest, à bord d’un avion CC 130J Hercules, le 18 février 2022, afin de participer à l’opération NANOOK-NUNALIVUT 22.

Le Canada a besoin d'une présence, d'une portée, d'une mobilité et d'une réactivité accrues dans l'Arctique et le Nord pour faire face aux catastrophes, aux menaces ou aux défis posés à sa souveraineté. Cela signifie également que nos eaux, notre espace aérien et notre territoire dans l'Arctique ne peuvent être vulnérables à une intrusion ou utilisés comme moyen de nuire au Canada, notre plus proche allié, les États-Unis ou d'autres alliés de l'OTAN. Nos contributions à la sécurité de l'Arctique sont un élément important de la défense des flancs ouest et nord de l'OTAN et appuient directement les efforts de dissuasion plus vastes de l'OTAN. Ils permettront au Canada de mobiliser le monde en position de force.

Dans notre monde étroitement intégré, les investissements destinés à assurer la sécurité du Canada et à protéger les Canadiens et Canadiennes contribuent aussi directement à la sécurité mondiale. Le Canada et les États-Unis partagent la responsabilité unique de protéger les frontières occidentales de l'OTAN et de contribuer à la défense de l'Alliance en position de force. De concert avec nos alliés de l'Arctique, nous sommes responsables de la défense des frontières septentrionales de l'OTAN. Lorsque le Canada est en sécurité en Amérique du Nord, les FAC sont libres de déployer des forces à l'étranger de manière rapide et décisive, sans exposer le Canada ou les Canadiens eux-mêmes à des menaces ou à des représailles. La sécurité du Canada et de l'Amérique du Nord limite la capacité des puissances autoritaires à dicter les conditions de nos politiques étrangères et de défense. Elle protège notre capacité à contribuer à la dissuasion des conflits dans les régions euro-atlantique et indopacifique.

Tous ces éléments soulignent la nécessité d'investir davantage dans nos défenses nationales, en particulier dans l'Arctique. Parallèlement à nos capacités diplomatiques, de défense et de renseignements, des forces armées fortes protègent la capacité du Canada à prendre des décisions souveraines et indépendantes au mieux de ses intérêts et limitent la capacité de nos adversaires à nous contraindre ou à façonner nos plans d'action. Elle donne au Canada une voix dans la défense nord-américaine et lui assure une place dans les alliances et les partenariats internationaux plus larges.

Les défis de l'ordre international

Le monde stable et prévisible dans lequel le Canada a prospéré est de plus en plus mis à l'épreuve. Les règles établies des relations internationales, à savoir le respect de la souveraineté, le respect du droit international, et les engagements fondamentaux à l'égard des droits de la personne, y compris l'égalité entre les sexes, ont été contestés ou minés de façon importante et subtile par des États perturbateurs qui cherchent à redéfinir l'ordre international ou à faire avancer leurs intérêts au détriment des autres. Par ailleurs, les problèmes de sécurité liés à la fragilité et à la défaillance des États, ainsi qu'aux activités malveillantes d'acteurs non étatiques dans le monde et en ligne, ont un impact sur les Canadiens et leur sécurité nationale.

Concurrence stratégique

La concurrence stratégique sur les normes et règles internationales qui définiront l'avenir est centrée sur les régions euro-atlantique et Indo-Pacifique. En tant que nation de l'Atlantique et du Pacifique partageant un continent avec les États-Unis, le Canada se trouve au centre géographique de cette concurrence, ce qui a des répercussions directes et tangibles sur notre sécurité et notre prospérité et génère de nouvelles attentes quant au rôle du Canada dans le contexte de cette rivalité.

La défense collective demeure la pierre angulaire de notre sécurité nationale. Nous sommes un membre fondateur de l'OTAN, l'alliance militaire la plus importante, la plus forte et la plus réussie au monde. De concert avec les États-Unis, nous défendons notre continent commun, notamment par l'entremise du NORAD, le seul commandement militaire binational au monde. Ces partenariats constituent le fondement de la défense et de la sécurité du Canada depuis des décennies et continuent d'être notre plus grand avantage stratégique et notre plus grande priorité.

… dans la région euro-atlantique

La sécurité de l'Europe est inextricablement liée au maintien de la sécurité et du bien-être économique du Canada. L'Europe est notre deuxième partenaire commercial et abrite un grand nombre de nos alliés les plus proches. La relation de défense euro-atlantique, institutionnalisée au sein de l'OTAN, a apporté une contribution durable à la paix et à la prospérité en Europe et à la stabilité dans le monde.

C'est pourquoi le Canada maintient un engagement durable envers ses alliés et partenaires européens. En tant que pays-cadre des forces terrestres avancées de l'OTAN en Lettonie, le Canada dirige une force multinationale où jusqu'à 2 200 membres des forces armées canadiennes seront déployés d'ici 2026 dans le cadre du plus grand déploiement militaire du Canada à l'étranger. Le Canada maintiendra son accord bilatéral de sécurité avec l'Ukraine et poursuivra sa vaste assistance militaire dans le cadre de l'opération UNIFIER, qui a déjà permis d'entraîner plus de 40 000 soldats ukrainiens. L'alliance de l'OTAN restera au cœur de notre approche en matière de défense nationale.

Un avion CC-177 Globemaster transportant du matériel militaire létal destiné aux forces de sécurité ukrainiennes pour les aider à se défendre contre les menaces arrive à l’aéroport de Lviv, en Ukraine, le 22 février 2022.

Nos alliés et partenaires en Europe sont confrontés aux menaces les plus graves en matière de sécurité depuis des décennies. Le 24 février 2022, la Russie a lancé son invasion illégale et non provoquée à grande échelle de l'Ukraine, attaquant directement l'ordre international qui assure la sécurité de tous les pays. La guerre que mène actuellement la Russie est une attaque directe contre la démocratie, la liberté, les droits de la personne et le droit souverain de l'Ukraine à choisir son propre avenir. Les enjeux ne pourraient pas être plus importants, l'invasion russe doit échouer si nous voulons préserver l'ordre international qui a protégé la sécurité et la prospérité du Canada pendant des décennies.

Les tentatives agressives de la Russie pour affirmer sa domination stratégique, depuis son invasion de l'Ukraine jusqu'aux cyberintrusions, aux campagnes mondiales de désinformation et au financement de groupes armés partout dans le monde, confirment son mépris pour la souveraineté fondamentale, l'indépendance politique, l'intégrité territoriale des autres nations, les droits de la personne et le droit international. La Russie prend pour cible les civils en utilisant des méthodes telles que les violences sexuelles liées au conflit, les homicides illégaux et la torture. Malgré les pertes subies sur le champ de bataille en Ukraine, la Russie reste capable de projeter des forces aériennes et navales et des missiles dans toute l'Europe, ainsi que dans et à travers l'Arctique, afin de menacer les intérêts nord-américains. La Russie restera un défi générationnel; elle cherche de nouvelles frontières qui s'étendent bien au-delà de ses frontières légales et géographiques, possède des capacités militaires avancées robustes et résistantes, et continue de reconstruire et de moderniser ses arsenaux.

La Russie renforce également ses partenariats avec la Chine, la Corée du Nord et l'Iran de façon troublante, même en effectuant des exercices navals et des patrouilles aériennes conjointes avec la Chine dans le nord et l'ouest du Pacifique. Bien que ces pays poursuivent des objectifs différents à différentes échelles, ils ont en commun un mépris plus général des règles stables et prévisibles qui ont gouverné nos relations internationales : la souveraineté, la non-intervention, les principes fondamentaux de la sécurité humaine et le commerce libre et ouvert. Par leurs actions, ils normalisent le recours à la violence, à la coercition et à l'intimidation pour réaliser leurs ambitions politiques. Ces efforts et la coopération croissante entre eux leur permettent de partager les technologies et les ressources militaires et de les diriger vers les États démocratiques.

Les capacités de la Russie et sa volonté de les utiliser menacent à la fois l'Europe et l'Amérique du Nord. Ses cyberopérations et opérations spatiales offensives ainsi que ses missiles conventionnels et nucléaires défient les frontières orientales de l'OTAN, ainsi que les flancs septentrional et occidental de l'Alliance. La nouvelle géographie de la menace russe compromet notre capacité à aider nos alliés en Europe depuis une position de force.

Les membres de l'OTAN réagissent et maintiennent leur engagement à l'égard de la défense collective et de la dissuasion. L'Alliance connaît son plus grand renforcement depuis une génération. Elle met en place des défenses plus profondes et plus robustes à toutes ses frontières, ce qui oblige tous les alliés, y compris le Canada, à accroître leurs capacités et leurs investissements en matière de défense. Notre défense de l'Arctique sera plus essentielle que jamais.

… et la région Indo-Pacifique

En tant que nation du Pacifique, la sécurité et la stabilité de la région Indo-Pacifique au sens large sont vitales pour l'avenir du Canada. C'est la région qui connaît la croissance la plus rapide au monde et qui abrite six des treize principaux partenaires commerciaux du Canada. Comme le confirme notre Stratégie pour l'Indo-Pacifique, la sécurité et la prospérité du Canada seront façonnées par cette région. C'est pourquoi le gouvernement a pris des mesures pour renforcer la présence militaire et les partenariats du Canada dans la région. Le Canada a agi de la sorte pour défendre ses intérêts, notamment la protection de la démocratie, du droit international et des droits de la personne. Cette démarche s'inscrit dans le cadre des objectifs durables du Canada visant à atténuer les comportements coercitifs, à faire progresser le programme « Femmes, paix et sécurité » et à contribuer à la stabilité régionale.

La Chine est un acteur mondial de plus en plus habile et perturbateur qui cherche à bouleverser le système international pour faire valoir ses intérêts et ses valeurs, qui divergent de plus en plus des nôtres. Elle cherche à établir un contrôle exclusif des voies navigables internationales et de l'espace aérien dans la région, et aspire ouvertement à prendre le contrôle de Taïwan, par la force si nécessaire, et utilise la force ou la coercition pour étendre progressivement son influence des mers de Chine orientale et méridionale à l'Himalaya.

Le NCSM MONTREAL, son hélicoptère embarqué CH-148 Cyclone dont l’indicatif d’appel est Strider et un avion CP-140 Aurora dont l’indicatif d’appel est Demon 02 patrouillent les eaux de la Méditerranée afin de contribuer à l’amélioration de la connaissance de la situation maritime en appui à l’opération SEA GUARDIAN de l’OTAN, le 11 avril 2022.

La Chine poursuit actuellement le développement militaire le plus ambitieux de tous les pays depuis la Seconde Guerre mondiale, en se concentrant sur des systèmes de haute technologie qui offrent des avantages par rapport aux forces internationales et réduisent leur liberté d'action dans l'Indopacifique. La Chine a également donné la priorité au développement de capacités militaires spatiales et de neutralisation des moyens spatiaux, de cybercapacités, d'intelligence artificielle et de capacités sous-marines et polaires. Le renforcement naval de la Chine est particulièrement important, car il expose le Canada et ses alliés à des risques croissants lorsqu'ils opèrent dans l'environnement maritime, notamment lorsqu'ils exercent leurs droits de navigation en mer de Chine méridionale et dans le détroit de Taïwan ou lorsqu'ils font appliquer les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU.

Le Canada défendra toujours ses intérêts nationaux, y compris les règles mondiales qui régissent le commerce, la navigation et le survol, la non-prolifération nucléaire et les droits de la personne. Nous gérerons nos relations de défense avec la Chine de manière ciblée. Un dialogue franc, ouvert et respectueux est important et contribue à clarifier les positions nationales du Canada. L'instabilité dans le Détroit de Taiwan, une voie navigable essentielle perturberait le commerce canadien, y compris les technologies de pointe essentielles, et pourrait coûter des milliards de dollars à l'économie mondiale. Les mesures prises par la Chine au cours des dernières années confirment la nécessité pour le Canada de respecter ces principes, aux côtés de ses alliés et de ses partenaires.

Les récentes actions de la République populaire démocratique de Corée, dotée de l'arme nucléaire, ajoutent à l'instabilité de la région Indo-Pacifique. Pyongyang a rompu avec sept décennies de politique et a officiellement abandonné la voie pacifique de la réunification des deux Corées. Le gouvernement de Kim Jong Un a déclaré que le Sud était son « principal ennemi » et a intensifié sa rhétorique et ses activités hostiles. Il a également mis en place un nouveau partenariat stratégique avec la Russie, aidant ce pays à contourner les sanctions internationales en échange d'un soutien militaire dans sa guerre illégale et injustifiée en Ukraine.

Instabilité dans le monde

Des États plus petits, mais de plus en plus compétents, menacent leurs régions par des activités militaires et paramilitaires agressives, et des acteurs non étatiques menacent délibérément le Canada et l'ordre international tant dans le monde physique que dans le monde numérique en exploitant de nouvelles capacités et technologies. La fragilité croissante des États mine davantage la stabilité mondiale, et le recours à la violence sexuelle dans les conflits comme tactique de guerre est omniprésent.

Au Moyen-Orient, l'Iran menace ses voisins de recourir à la force militaire, perturbe le commerce maritime régional et l'infrastructure énergétique commerciale et s'appuie sur des acteurs non étatiques et des groupes terroristes d'obédience iranienne en Cisjordanie, dans la bande de Gaza, au Liban, en Syrie, en Irak et au Yémen pour déstabiliser davantage la région. Depuis 2018, il a également constamment fait progresser son programme nucléaire, tout en limitant l'accès à ses installations pour dissimuler ces progrès. L'Iran continue de faire fi des règles bien établies régissant la souveraineté, la non-prolifération et la non-intervention, ainsi que des principes de base des droits de la personne en exploitant les conflits, les griefs sociaux et d'autres bouleversements.

Les acteurs non étatiques hostiles au Moyen-Orient et ailleurs exacerbent l'instabilité mondiale et nous rappellent que les groupes terroristes et d'insurgés peuvent tenir les pays à risque de loin, en menaçant les voies navigables internationales, les centres commerciaux et financiers ou les infrastructures essentielles. Ces acteurs non étatiques sont également souvent soutenus par les États qui cherchent à amplifier les objectifs communs ou complémentaires.

Notre dépendance croissante au cyberespace, à l'infonuagique et aux technologies interconnectées dans la vie quotidienne et la croissance économique complique considérablement la défense du Canada et des intérêts canadiens. Le cyberespace est également essentiel pour nos opérations militaires. Les cyberattaques par des acteurs malveillants sont particulièrement préoccupantes, car elles peuvent exploiter les vulnérabilités possibles et avoir une incidence sur notre capacité à commander nos forces, à comprendre l'espace de bataille et à utiliser des systèmes d'armes de pointe. L'émergence de nouvelles capacités techniques et la nature décentralisée des menaces en ligne font en sorte qu'il est difficile de repérer les cyberactivités malveillantes et d'y répondre.

Nous observons également une augmentation générale de la fragilité des États. Les défis persistants en matière de gouvernance et les manquements à la loi et à l'ordre mènent à des crises nationales qui entraînent des coûts humains élevés et une hausse des demandes faites à nos militaires pour aider les personnes dans le besoin. Les interventions du Canada dans les crises au Soudan et à Haïti sont les cas les plus récents qui nous rappellent la nécessité d'atteindre les objectifs internationaux communs pour le soutien de la démocratie, du développement durable et de la sécurité durable. L'engagement durable du Canada envers les opérations de maintien de la paix des Nations Unies et sa collaboration avec des organisations régionales comme l'Union africaine témoignent de l'importance fondamentale des efforts multilatéraux qui visent à préserver la paix et la sécurité internationales.

Des membres des Forces armées canadiennes du 1er Bataillon, The Royal Canadian Regiment, faisant partie du groupement tactique de la présence avancée renforcée en Lettonie repoussent les forces ennemies au cours de l’exercice TITAN STRIKE au Camp Ādaži, en Lettonie, le 10 août 2023.

Les défis transnationaux contribuent grandement à la fragilité croissante des États. Le changement climatique, le terrorisme, l'extrémisme et le crime organisé transnational exacerbent les problèmes de sécurité pour les sociétés des régions fragiles qui peuvent difficilement se les permettre, notamment la concurrence pour les ressources rares (telles que le poisson, l'eau douce, les minéraux critiques et l'énergie), les déplacements humains à grande échelle, les migrations massives et les tensions régionales. De plus, l'intersection du changement climatique, de l'inégalité entre les sexes et des conflits crée des occasions permettant aux groupes terroristes d'accroître leur recrutement, tandis que les migrations découlant du changement climatique entraînent des risques accrus de traite des personnes et d'exploitation sexuelle. Ces défis déstabiliseront davantage l'ordre mondial, auront une incidence sur nos intérêts nationaux à l'étranger et augmenteront la fréquence et l'urgence des demandes d'assistance militaire internationale, y compris de la part du Canada. Le Canada continuera à soutenir le développement des capacités des États confrontés à ces défis et à d'autres, conformément à son rôle de fournisseur de sécurité mondiale et de contributeur à la paix et à la stabilité au sein des États et entre eux.

En raison de notre population diversifiée, de notre forte présence mondiale et de nos liens commerciaux, le Canada est directement touché par ces événements et nous devons avoir les outils nécessaires pour y faire face. Les intérêts du Canada sont défendus par un ordre international qui est libre, ouvert, stable et régi par la primauté du droit, et nous avons la responsabilité envers la population canadienne et nos partenaires et alliés aux vues similaires de jouer un rôle essentiel dans le maintien de la stabilité mondiale.

Le caractère changeant des conflits

Si la concurrence stratégique et le changement climatique façonnent notre environnement de sécurité, les évolutions technologiques ont accéléré l'impact de ces changements. L'intelligence artificielle (IA), l'informatique quantique, la biologie synthétique, l'analyse de données, les systèmes autonomes, la robotique et les cybertechnologies et les technologies spatiales avancées sont des technologies d'avant-garde dont les utilisations militaires et non militaires créent de nouvelles vulnérabilités et compliquent nos intérêts en matière de sécurité nationale.

  • L'IA transformera fondamentalement la guerre militaire conventionnelle et la concurrence sous le seuil du conflit. Dans un avenir rapproché, les outils d'IA facilement disponibles renforceront les cybercapacités des acteurs étatiques et non étatiques, leur permettant de cibler et d'automatiser, à grande échelle, les campagnes de désinformation et d'influence, les cyberopérations malveillantes, l'espionnage et les activités d'ingérence étrangère. Les préjugés raciaux ou sexistes accentués par l'IA peuvent aggraver les inégalités. L'IA renforcera les cybercapacités nationales, notamment en matière de déception, de désinformation et de mésinformation. Elle accélérera la prise de décisions, améliorera la sensibilisation et la reconnaissance des cibles et contrôlera toute une série de systèmes autonomes.
  • La technologie quantique modifiera le fonctionnement des forces armées en raison des systèmes militaires modernes exigeant un grand volume de données, et constitue une menace sérieuse pour la sécurité des données, du chiffrement et de l'Internet lui-même.
  • Le cyberespace est un écosystème de plus en plus interdépendant et complexe, qui permet d'accroître les capacités et la prospérité tout en créant de nouveaux domaines de vulnérabilité en raison des progrès de l'IA, des technologies quantiques, et de l'automatisation.
  • L'espace est un domaine intégral qui sous-tend les satellites, les téléphones cellulaires et les infrastructures de communication que la population canadienne utilise quotidiennement, ainsi que l'avantage militaro-technologique essentiel sur lequel le Canada, ses alliés et ses partenaires s'appuient pour leur défense. Nos adversaires ont mis au point des armes de neutralisation des moyens spatiaux permettant de saper cet avantage, et de menacer la connectivité qui soutient notre économie et de notre mode de vie.
  • Les avancées technologiques ont accru la menace que présentent les missiles pour le Canada. La technologie hypersonique permet aux missiles de se déplacer à des vitesses plus rapides que jamais et selon des schémas imprévisibles, ce qui les rend beaucoup plus difficiles à détecter et à intercepter. En plus des missiles de croisière et des missiles balistiques, les missiles hypersoniques menacent d'accabler nos systèmes de défense aérienne existants et d'imposer de nouvelles contraintes à notre capacité à soutenir nos alliés et nos partenaires partout dans le monde.
  • Les petits drones sont maintenant fabriqués en grande quantité et à faible coût, et changent la conduite de la guerre, de l'Ukraine à la mer Rouge. Ils sont utilisés pour la reconnaissance et l'attaque de cibles; dans certains cas, des drones qui ne coûtent que quelques centaines de dollars ont détruit des plateformes de plusieurs millions de dollars. Le Canada doit être prêt à contrer ces menaces et à déployer des capacités de drones robustes.
Personnel militaire travaillant sur des ordinateurs.

Des technologies de pointe sont également combinées à de l'équipement militaire traditionnel pour changer la façon dont les guerres sont menées, comme le conflit en Ukraine l'a clairement montré. Cela a confirmé la nécessité de grandes forces et d'une puissance de combat, bien approvisionnées par des stocks permanents de munitions et de pièces de rechange, soutenues par une solide infrastructure industrielle pour se réarmer au fil du temps. Parallèlement, cela a également mis en évidence la révolution de la frappe de précision, les technologies de capteurs persistants, la surveillance et les frappes à l'aide de drones, les armes de frappe à longue portée et la nécessité d'une plateforme numérique sans faille pour relier rapidement ces capacités.

La technologie permet également les attaques « hybrides » ou « en zones grises » dans les domaines du cyberespace et de l'information, le vol de propriété intellectuelle, les atteintes à la vie privée et le recours à des entreprises civiles ou à des institutions de recherche pour atteindre des objectifs militaires. Les adversaires exploitent ces vulnérabilités pour affaiblir notre infrastructure industrielle de défense, pour compromettre nos chaînes d'approvisionnement industrielles et pour perturber nos processus décisionnels souverains.

La dissuasion des conflits repose sur notre capacité à conserver et à protéger notre avantage en matière d'innovation et de technologies de pointe. Le Canada et ses alliés détiennent depuis longtemps cet avantage, et notre capacité à intégrer les nouvelles technologies dans les capacités militaires plus rapidement que nos adversaires fera la différence dans le maintien d'un avantage et dans la dissuasion de futurs conflits. La Chine, en particulier, accélère l'adoption des technologies actuelles et émergentes en matière de défense et de sécurité, dans certains cas au détriment de la sécurité économique et militaire du Canada. Suivre le rythme des changements technologiques permettra de protéger le Canada contre les menaces internationales et d'assurer l'interopérabilité avec nos alliés et nos partenaires avec lesquels nous travaillons pour protéger nos intérêts collectifs.

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