Communiqué


Contre-amiral Geneviève Bernatchez, OMM, CD
Juge-avocat général des Forces armées canadiennes

C’est avec grand plaisir que je présente au ministre de la Défense nationale mon troisième rapport annuel sur l’administration de la justice militaire dans les Forces armées canadiennes. Ce rapport est présenté conformément au paragraphe 9.3(2) de la Loi sur la défense nationale et couvre la période du 1er avril 2019 au 31 mars 2020.

En vertu des articles 9.1 et 9.2 de la Loi sur la défense nationale, en qualité de juge-avocat général, je suis la conseillère juridique du gouverneur général, du ministre de la Défense nationale, du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes pour les questions relatives au droit militaire et j’exerce mon autorité sur tout ce qui touche à l’administration de la justice militaire dans les Forces armées canadiennes.

Peu après ma nomination au poste de juge-avocat général le 27 juin 2017, j’ai fait paraître une orientation stratégique pour le Cabinet du juge-avocat général (Cabinet du JAG) exposant clairement nos priorités institutionnelles, guidant tous les membres du Cabinet du JAG vers un ensemble d’objectifs uniformes, et garantissant que pour atteindre ces objectifs, les professionnels dévoués du Cabinet du JAG pourraient se reporter à un ensemble de principes communs guidant et façonnant leurs activités. L’orientation stratégique 2018-2021 du Cabinet du JAG, « L’excellence du service »Note de bas de page 1 , présente notre énoncé de mission global :

Offrir des services juridiques militaires qui sont axés sur les besoins de la clientèle, opportuns, orientés vers la recherche d’options, qui tiennent compte des besoins opérationnels et qui sont à l’appui des priorités et des objectifs du gouvernement du Canada, du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes; exercer une autorité sur l’adminis-tration de la justice militaire au sein des Forces armées canadiennes dans le respect des rôles indépendants de chacun des intervenants officiels à l’intérieur du système de justice militaire.

Dans l’environnement à multiples facettes, au rythme rapide et aux ressources limitées dans lequel nous opérons actuellement, notre engagement indéfectible envers cet énoncé de mission global permet au Cabinet du JAG de continuer d’être à l’écoute des besoins de ses clients et de leur fournir le soutien juridique essentiel sur lequel ils comptent, tout en s’adaptant à un contexte opérationnel de plus en plus difficile et complexe, tant au pays qu’à l’étranger. Cela est devenu particulièrement important lorsque les Forces armées canadiennes sont intervenues en réponse à la pandémie de la COVID-19 au cours de l’opération LASER. Lors de cette opération, le Cabinet du JAG est demeuré prompt à réagir et a fait preuve de souplesse dans la prestation des services juridiques, en dépit des circonstances difficiles, toujours changeantes et au rythme rapide.

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Une « nouvelle ère » pour la justice militaire au Canada
   

Cette « nouvelle ère » pour la justice militaire au Canada est caractérisée par une efficience, une équité et une efficacité améliorées, ainsi qu’une légitimité constitutionnelle sans équivoque.

À la fin de la dernière période de référence, le système de justice militaire était à la croisée des chemins et à l’aube d’un profond changement. Suite aux examens externes recommandant des changements étendus au système de justice militaire, aux modifications législatives importantes apportées par le Parlement à la Loi sur la défense nationale, et aux délibérations de la Cour suprême du Canada sur de grandes questions constitutionnelles relatives au système de justice militaire, le changement était inévitable. L’évolution continue et responsable du système de justice militaire est importante, nécessaire et bénéfique. Tout comme le système civil de justice pénale, le système de justice militaire évolue constamment grâce à la jurisprudence, aux modifications législatives, à l’élaboration de politiques, ainsi qu’aux examens internes et externes périodiques. Ces faits nouveaux contribuent à l’évolution et l’amélioration du système de justice militaire, lui permettent de répondre aux besoins des personnes impliquées et d’incorporer les exigences juridiques et les normes de la société canadienne.

Cette période de référence a été marquée par une série de développements significatifs au niveau de la jurisprudence, de la législation et des politiques, développements qui ont tous contribué à définir une « nouvelle ère » pour la justice militaire canadienne. Je suis convaincue que le système de justice militaire continuera de fonctionner en accord avec la primauté du droit, qu’il évoluera et demeurera sensible aux développements juridiques et sociétaux, et qu’il restera un système pertinent jouant un rôle capital dans la promotion de la discipline, de l’efficacité et du moral au sein des Forces armées canadiennes. Dans mon rôle d’autorité sur l’administration de la justice militaire, je m’engage résolument à veiller à l’évolution responsable du système de justice militaire canadien tout en maintenant un haut niveau de réactivité aux exigences uniques des Forces armées canadiennes.

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R c Stillman –  Assurer la légitimité constitutionnelle du système de justice militaire

 

Au cours de la période visée par le rapport, la Cour suprême du Canada a rendu un arrêt marquant et faisant autorité dans l’affaire R c Stillman. Il s’agissait d’un moment critique pour les juristes militaires partout au Canada et d’un moment charnière pour le système de justice militaire canadien. La majorité de la Cour suprême du Canada a affirmé sans ambiguïté le besoin d’avoir au Canada un système de justice militaire distinct, et a confirmé que ce système est constitutionnel, valide et nécessaire. En se fondant sur les arrêts antérieurs de la Cour suprême du Canada dans les affaires R c GénéreuxNote de bas de page 3  et R c MoriarityNote de bas de page 4 , la Cour a réaffirmé que le but du système de justice militaire est d’assurer « le maintien de la discipline, de l’efficacité et du moral des troupes »Note de bas de page 5 .  

Dans sa décision, la majorité de la Cour suprême du Canada a reconnu que le système de justice militaire fonctionne comme un partenaire à part entière du système civil de justice pénale, ayant « beaucoup évolué » et étant « passé d’un modèle de discipline centré sur le commandement […] à un système de justice parallèle s’apparentant beaucoup au système civil de justice pénale »Footnote 6 .
En évoquant l’évolution continue du système de justice militaire, la Cour a ajouté : « L’évolution continue de ce système est facilitée par les examens périodiques indépendants [qui] permettent de veiller à ce que le système soit rigoureusement examiné, analysé et perfectionné à intervalles réguliers, ce qui témoigne de la nature dynamique du système de justice militaire. Tout comme le système civil de justice pénale, le système de justice militaire se développe et évolue en fonction de l’évolution du droit et de la société »Footnote 7 .

R c Stillman confirme la légitimité constitutionnelle du système de justice militaire et représente une reconnaissance évidente du travail acharné accompli depuis de nombreuses années pour créer un système de justice militaire solide. Je reconnais qu’avec cette validation vient une grande responsabilité. Comme la Cour suprême du Canada l’a clairement indiqué, les pouvoirs exécutif et législatif du gouvernement doivent veiller à ce que le système de justice militaire continue de croître et d’évoluer conjointement avec la communauté juridique et la société dans son ensemble. À ce titre, mon équipe de professionnels dévoués du Cabinet du JAG et moi-même poursuivrons nos efforts pour que le système de justice militaire réponde constamment à ces attentes légitimes.

 

Améliorer le système de justice militaire par des progrès sur le plan législatif

 

Au cours de la période de référence précédente, et dans la foulée de la mise en œuvre finale de la réforme législative apportée par le projet de loi C-15, la Loi visant à renforcer la justice militaire pour la défense du Canada, le Cabinet du JAG a continué d’œuvrer à l’amélioration et au renforcement du système de justice militaire grâce à son soutien dévoué au projet de loi C-77, la Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois. J’ai le plaisir d’annoncer qu’au cours de la période de référence, le 21 juin 2019, le projet de loi C-77 a reçu la sanction royale.

La réforme de la Loi sur la défense nationale engendrée par le projet de loi C-77 représente la plus importante mise à jour de la Loi sur la défense nationale depuis 1999 et sert de catalyseur supplémentaire pour cette « nouvelle ère » de la justice militaire. La réforme résultant de l’adoption du projet de loi C-77 représente l’engagement du gouvernement du Canada à renforcer les droits des victimes au sein du système de justice militaire et à améliorer l’équité du système. À cette fin, le projet de loi C-77 ajoute la Déclaration des droits des victimes au code de discipline militaire, enchâssant ainsi un certain nombre de droits pour les victimes d’infractions militaires dans le système de justice militaire, comme le droit à l’information, la protection, la participation et la restitution. Ces droits sont le reflet de ceux qui se trouvent dans la Charte canadienne des droits des victimes, et leur instauration fait concorder les droits des victimes établis dans le système de justice militaire avec ceux établis dans le système civil de justice pénale. Parmi les autres modifications importantes apportées à la Loi sur la défense nationale, le projet de loi C-77 comporte des dispositions exigeant la prise en compte des circonstances particulières des contrevenants autochtones lors de la détermination de la peine, reflétant ainsi les dispositions similaires contenues au Code criminel. Le projet de loi C-77 simplifie et améliore également la discipline militaire au niveau des unités grâce à une réforme du processus des procès sommaires en un processus d’audience sommaire de nature non pénale et non criminelle conçue pour traiter les manquements mineurs à la discipline de manière plus efficace et plus efficiente.

S’il est vrai que certaines dispositions du projet de loi C-77 sont entrées en vigueur à la date de la sanction royale, la mise en œuvre complète des dispositions du projet de loi C-77 requiert des changements réglementaires importants nécessitant plusieurs années d’élaboration de politiques, des consultations auprès de partenaires et d’intervenants internes et externes, ainsi qu’une collaboration étroite avec les rédacteurs de règlements du ministère de la Justice. Le Cabinet du JAG est prêt à soutenir pleinement ces efforts et a entamé les consultations nécessaires au cours de la période visée par le rapport. Le Cabinet du JAG poursuivra ses efforts pour améliorer le système de justice militaire grâce à la mise en œuvre complète des dispositions du projet de loi C-77 au cours des prochaines années.

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Initiatives stratégiques – mettre en œuvre les recommandations des rapports du Bureau du vérificateur général du Canada et du Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes sur l’administration de la justice dans les Forces armées canadiennes

 

Comme je l’ai indiqué dans mon dernier rapport annuel, le Bureau du vérificateur général a déposé, le 29 mai 2018, un rapport sur l’administration de la justice dans les Forces armées canadiennes. Les auteurs du rapport ont conclu que les Forces armées canadiennes pourraient rendre l’administration du système de justice militaire plus efficiente et que le Cabinet du JAG pourrait améliorer la surveillance de ce système. Ce document a ensuite été étudié par le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, lequel a publié son propre rapport le 6 décembre 2018. Chacun de ces rapports contenait neuf recommandations visant en résumé à améliorer le bon fonctionnement et le contrôle efficace du système de justice militaire.

En réponse à ces rapports, le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes ont pris acte des conclusions et accepté toutes les recommandations. À la fin de la période de référence précédente, le Cabinet du JAG avait pleinement mis en œuvre quatre des neuf recommandations publiées dans chacun des rapports. Je suis fière d’annoncer qu’au cours de la période visée par le présent rapport, le Cabinet du JAG a continué de progresser envers la mise en œuvre complète des recommandations restantes grâce au lancement de nombreuses initiatives. Ces initiatives incluent le Système de gestion de l’information et de l’administration de la justice (SGIAJ), le Cadre de surveillance du rendement du système de justice militaire, les Normes de temps de la justice militaire et le Projet de participation des intervenants en justice militaire. Ces initiatives, tant individuellement que collectivement, servent à moderniser le système de justice militaire par l’amélioration de son efficacité, son efficience et sa surveillance, et constituent un autre signe distinctif de la « nouvelle ère » de la justice militaire.

Au cours de la période de référence, le Cabinet du JAG a continué de progresser envers la mise en œuvre complète de l’ensemble des recommandations découlant des rapports du Bureau du vérificateur général du Canada et du Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes.

Le 27 septembre 2019, les Forces armées canadiennes ont lancé le SGIAJ, un système novateur de gestion de cas qui leur permet de tirer parti de la technologie, des données et de l’analyse pour améliorer et renforcer le système de justice militaire. Le SGIAJ est un système de gestion des cas basé sur le Web qui suit par voie électronique les dossiers disciplinaires depuis la réception d’une plainte jusqu’à la clôture d’un dossier, y compris l’exécution de la peine. Le SGIAJ permettra à la justice militaire de traiter les causes d’une manière plus rapide et plus efficace, ce qui renforcera globalement l’efficacité et la légitimité du système de justice militaire. Le lancement du SGIAJ s’est effectué au cours de la période de référence, dans certaines unités de Petawawa. À l’heure actuelle, le SGIAJ peut prendre en charge de nombreuses causes courantes, mais d’autres essais sont requis et le développement doit se poursuivre afin de garantir que toutes les exigences du système soient disponibles et fonctionnelles, et que tous les types de causes de la justice militaire puissent y être traités. La pandémie de la COVID-19 à laquelle les Forces armées canadiennes ont répondu au cours de l’opération LASER a certes retardé temporairement le développement et le déploiement plus étendu du SGIAJ, mais les travaux sur le système se poursuivront au cours des prochaines périodes de référence, et celui-ci sera déployé de manière progressive, méthodique et responsable dans l’ensemble des Forces armées canadiennes.

De plus, pour améliorer la capacité du Cabinet du JAG à prendre des décisions fondées sur des données probantes et à mieux suivre l’évolution des dossiers de la justice militaire tout en minimisant les retards, le Cabinet du JAG a lancé simultanément deux initiatives supplémentaires qui seront pleinement intégrées au SGIAJ – le Cadre de surveillance du rendement du système de justice militaire et les Normes de temps de la justice militaire. Au cours de la période de référence, le Cabinet du JAG a complété et approuvé les paramètres du Cadre de surveillance du rendement du système de justice militaire. Ce système fournira des données mesurables sur la performance de la justice militaire, permettant de cerner les difficultés naissantes (y compris les retards) et de mieux définir les mesures à prendre pour y remédier. En outre, au cours de la période visée par le rapport, les Normes de temps de la justice militaire ont également été établies pour chacune des étapes du processus de justice militaire. Ces normes de temps garantissent qu’à chacune des étapes du système de justice militaire, les intervenants sont conscients de ces normes de temps axées sur l’efficacité, et s’efforcent de s’y conformer. En plus de leur intégration dans le SGIAJ, les Normes de temps de la justice militaire ont également été communiquées à tous les membres des Forces armées canadiennes au moyen d’un message général des Forces canadiennes (CANFORGEN).

Enfin, au cours de la période de référence, l’effort continu du Cabinet du JAG pour surveiller régulièrement le système de justice militaire a permis le lancement du Projet de participation des intervenants en justice militaire. Ce projet consiste en un sondage en ligne conçu pour recueillir des données qualitatives mesurables auprès des divers intervenants impliqués dans les procès sommaires, tels que les personnes autorisées à porter des accusations, les accusés et les officiers désignés. Au cours de la période de référence, le Projet de participation des intervenants en justice militaire a recueilli sa première série de données et les conclusions ont été présentées dans le Sondage relatif aux procès sommaires auprès des intervenants – Résultats 2018-2019. Les données du Projet de participation des intervenants en justice militaire ont été et continueront d’être exploitées par le Cabinet du JAG dans son effort continu d’assurer une prise de décision stratégique saine et basée sur les données en ce qui concerne l’exercice de l’autorité sur l'administration du système de justice militaireNote de bas de page 8 .

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Conclusion

 

Tandis que nous commençons une nouvelle décennie, nous nous mesurons à un environnement opérationnel de plus en plus complexe et aux multiples défis. Rien ne peut mieux illustrer ces complexités croissantes que notre lutte continue pour contenir la pandémie de la COVID-19. Le Cabinet du JAG, de même que les membres de l’Équipe de la Défense et les Canadiens de tous les horizons, ont été contraints de s’adapter et de répondre aux devoirs civiques collectifs de se protéger et de protéger autrui en suivant les recommandations des autorités fédérales, provinciales, locales et des Forces armées canadiennes. En ces temps difficiles, je suis très impressionnée par le dévouement et le professionnalisme indéfectibles dont font preuve les militaires et les civils du Cabinet du JAG qui, malgré les contraintes, sont déterminés à contribuer à la réussite de notre mission et à atteindre « L’excellence du service » pour soutenir le gouvernement du Canada, le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes.

Je suis particulièrement reconnaissante envers les dirigeants exceptionnels qui composent la haute direction du Cabinet du JAG pour leur dévouement, leur énergie et leurs conseils exemplaires, notamment tandis que nous traversons ces circonstances sans précédent et extrêmement exigeantes. Ils forment une équipe formidable et leurs points de vue individuels et collectifs sont inestimables.

Malgré les défis, nous entrons dans cette nouvelle décennie avec l’intention et la volonté de répondre aux besoins de nos clients tout en nous positionnant pour maintenir un degré de succès constant. En effet, il s’agit d’une période très marquante pour servir et exercer mon autorité sur l’administration de la justice militaire dans les Forces armées canadiennes. Les réalisations collectives du Cabinet du JAG au cours de cette période de référence ont été nombreuses et ont directement contribué à la réussite de notre mission. Ces réalisations ont permis de définir une « nouvelle ère » pour la justice militaire, qui est caractérisée par une efficacité, une équité et une efficience améliorées, ainsi que par une légitimité constitutionnelle sans équivoque. Je suis convaincue que ces réalisations ont renforcé la confiance dans le système de justice militaire canadien ainsi que dans la capacité du système à soutenir les opérations des Forces armées canadiennes, tant au pays qu’à l’étranger. Le système de justice militaire continue à jouer un rôle essentiel dans le maintien de la discipline, de l’efficacité et du moral des Forces armées canadiennes, tout en respectant l’État de droit et en répondant aux attentes des Canadiens.

Fiat Justitia

Geneviève Bernatchez, OMM, CD
Contre-amiral

 

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