4. Contexte global

Principales tendances

Le Canada possède une longue et honorable tradition d’engagement solide en appui à la stabilité, à la paix et à la prospérité mondiales. Nous sommes bien positionnés maintenant pour approfondir ce rôle. Sans conteste, notre engagement n’a jamais été aussi nécessaire, ou aussi estimé par nos alliés et partenaires internationaux.

Nous vivons à une époque où la croissance économique a permis à des milliards de personnes de s’affranchir de la pauvreté. Mais les États fragiles et touchés par les conflits n’ont pu profiter de tous ces gains. Les inégalités économiques augmentent à l’échelle de la planète. Et avec elles, l’instabilité.

Le Canada n’est pas à l’abri de ces préoccupations. Nous devons faire partie de la solution – et représenter une force pour la sécurité, la stabilité, la prospérité et la justice sociale dans le monde.

L’extrémisme violent est un fléau mondial, qui, s’il est laissé sans opposition, peut nuire à la société civile et déstabiliser des régions tout entières. Il doit être contré sans relâche, au moyen d’une action concertée qui englobe le renseignement, la contreradicalisation, l’aide au développement et l’utilisation du pouvoir militaire. Devant les idéologies de haine et les attaques contre nos valeurs et notre mode de vie, le Canada répondra avec une force indéfectible.

Les médias sociaux et les technologies intelligentes ont transformé tous les aspects de la vie courante, et ont donné aux personnes qui les utilisent de grands avantages, à l’échelle de la planète. Mais cet accès grandement accru aux technologies de communication a également entraîné de nouvelles vulnérabilités, dont nous devons nous occuper.

Quand de larges populations s’enfuient de leur domiciles dans une recherche désespérée d’une vie meilleure, ces migrations de masse peuvent ébranler les États et mener à des crises humanitaires. Mais lorsqu’elles sont gérées correctement, l’émigration et l’immigration représentent des forces pour la diversité, la croissance économique et la vitalité des pays d’accueil. En tant que Canadiens, nous le savons d’expérience.

Les changements climatiques menacent de perturber les vies et les moyens de subsistance de millions de personnes au monde. Ils nous obligent à innover, à favoriser l’action collective, à travailler main dans la main avec des partenaires aux mêmes vues autour du monde afin de lutter contre cette menace, au lieu de rester à l’écart.

En bref, le Canada – de par sa géographie, son histoire, sa diversité et sa richesse naturelle – est interpellé à mener. Nous avons la capacité d’aider ceux qui vivent sous la menace de la violence, ou qui ont été forcés à devenir des réfugiés à long terme. Nous pouvons aider ceux qui souffrent d’une gouvernance faible. Nous pouvons être une force pour la stabilité mondiale.

Et c’est pourquoi la capacité du Canada d’envoyer sur le terrain des forces militaires professionnelles et hautement qualifiées, dotées de l’équipement nécessaire est aussi vitale. Surmonter ces énormes défis collectifs exige une action coordonnée parmi l’ensemble du gouvernement – les militaires travaillant main dans la main avec les diplomates et les agents du développement. Ils s’appuient mutuellement.

Le Canada est souvent appelé à s’engager dans le monde. Cette politique nous permet de le faire.

Dans ce contexte, trois tendances clés de sécurité continueront d’influencer les événements : l’évolution de l’équilibre des pouvoirs, la nature changeante du conflit et l’évolution rapide de la technologie.

Évolution de l’équilibre des pouvoirs

Les tendances du développement économique mondial transforme le pouvoir relatif des États, qui passe de l’Occident à l’Orient, et – dans une moindre mesure – du Nord au Sud, ce qui crée un environnement plus diffus dans lequel un nombre grandissant d’acteurs étatiques et non étatiques exercent leur influence. Cette transformation est porteuse de changements positifs dans le monde, comme le recul de la pauvreté, ainsi que la démocratisation et l’autonomisation qui accompagnent souvent le développement économique. Cependant, ce changement a aussi été accompagné d’une gouvernance faible et d’une incertitude croissante. Dans cette ère de multipolarité accrue, les États-Unis demeurent sans aucun doute l’unique superpuissance réelle. La Chine est une puissance économique mondiale en plein essor qui exerce une importante puissance militaire régionale. La Russie a démontré sa disposition à mettre à l’épreuve l’ordre de sécurité internationale. Un certain niveau de concurrence entre les principales puissances caractérise de nouveau le système international.

Il y a également un certain nombre de puissances régionales croissantes qui sont de plus en plus influentes dans les affaires internationales, en raison surtout du fait que les économies en Amérique latine, en Asie et en Afrique continuent de croître à un rythme relativement accéléré. Le Canada a un intérêt certain à appuyer le système international qu’il a aidé à construire, notamment en favorisant de nouveaux partenariats, en s’engageant avec les puissances émergentes et en faisant la promotion de la paix partout dans le monde.

Concurrence des États

En tant que nation commerçante et membre influent du G7, du G20, de l’OTAN et des Nations Unies, le Canada bénéficie de la stabilité mondiale attribuable à un ordre international fondé sur les règles. Les dernières années ont posé plusieurs défis. L’annexion illégale de la Crimée à la Russie est un exemple d’événements ayant eu de graves conséquences. Les activités dans la mer de Chine méridionale soulignent le besoin pour tous les États de la région de gérer et de résoudre les conflits dans la paix, conformément aux lois internationales, et d’éviter la coercition et les autres mesures qui pourraient donner lieu à l’escalade de la tension.

La réapparition d’une concurrence entre les grandes puissances rappelle au Canada et à ses alliés l’importance de la dissuasion. À sa base, la dissuasion consiste à décourager un éventuel adversaire à faire quelque chose de nuisible avant qu’il le fasse. Une dissuasion militaire crédible sert d’outil diplomatique pour aider à prévenir des conflits et doit être menée conjointement avec des pourparlers. Les alliés de l’OTAN et d’autres pays aux vues similaires étudient de nouveau comment dissuader un large spectre de menaces contre l’ordre international en maintenant des capacités militaires conventionnelles perfectionnées qui pourraient être utilisées dans l’éventualité d’un conflit avec un ennemi « à force quasi-égale ». La dissuasion est traditionnellement axée sur les capacités conventionnelles et nucléaires, mais le concept s’applique de plus en plus au domaine spatial et au cyberdomaine.

La réapparition de la dissuasion

Les changements qui ont lieu au niveau international demandent une nouvelle compréhension de la manière et du moment d’utiliser légitimement la force militaire, ou la menace de celleci, afin d’appuyer l’engagement diplomatique pour gérer et façonner les relations internationales et de conflit.

Le retour de la rivalité entre les grandes puissances, des nouvelles menaces des acteurs non étatiques et des défis que posent le domaine spatial et le cyberdomaine a replacé la dissuasion au centre de la réflexion sur la défense.

Le Canada tire avantage de l’effet de dissuasion provenant de ses alliances (p. ex., OTAN et NORAD) et prend très au sérieux sa responsabilité visant à participer aux efforts de dissuasion contre l’agression d’adversaires possibles dans tous les domaines.

L’Arctique en pleine évolution

La région de l’Arctique est un carrefour international important où se croisent des questions de changement climatique, de commerce international et de sécurité internationale. Huit États – le Canada, le Danemark, les États-Unis, la Finlande, l’Islande, la Norvège, la Russie et la Suède – ont du territoire au nord du 60e parallèle, alors que cinq de ces États sont baignés par l’Arctique. Les États de l’Arctique collaborent depuis longtemps sur des questions économiques, environnementales et sécuritaires, par l’entremise notamment du Conseil de l’Arctique, l’organe principal de coopération dans la région. Tous les états de l’Arctique ont un intérêt durable à l’égard de la poursuite de cette collaboration productive.

Le changement climatique, conjugué aux avancées technologiques, signifie que l’Arctique est de plus en plus accessible. Il y a une dizaine d’années, peu d’États ou d’entreprises avaient les capacités d’opérer dans l’Arctique. Aujourd’hui, des acteurs étatiques et commerciaux venant de partout dans le monde cherchent à tirer parti des avantages à long terme d’un océan Arctique accessible. À terme, cet intérêt devrait mener à une hausse correspondante des intérêts commerciaux, de la recherche et du tourisme à l’intérieur et en périphérie du territoire nordique canadien. Cette activité accrue présentera aussi des besoins en matière de sécurité, notamment en ce qui concerne la recherche et sauvetage et les catastrophes naturelles et d’origine humaine, des défis pour lesquels le Canada devra être prêt.

Influence des acteurs non étatiques

L’évolution de l’équilibre des pouvoirs a créé un environnement plus diffus dans lequel un nombre grandissant d’acteurs peuvent exercer différents niveaux d’influence. Bien que les États soient appelés à demeurer les entités les plus importantes sur la scène internationale, une diversité d’acteurs non étatiques apporte une complexité à l’environnement opérationnel et peut changer la portée et la nature des opérations militaires.

Bon nombre de ces acteurs non étatiques, dont des organisations non gouvernementales, des fondations philanthropiques, des entreprises responsables, des villes et des communautés religieuses, jouent un rôle positif dans la promotion de la paix et le traitement des besoins des populations vulnérables. Ces acteurs ont aidé à régler les crises mondiales en matière de santé et appuient la mise en oeuvre des objectifs de développement durable des Nations Unies afin d’accroître la vaccination contre des maladies pouvant être prévenues et l’autonomie des femmes et des filles. La Campagne internationale pour interdire les mines est un excellent exemple du progrès possible lorsque les États et les acteurs non étatiques s’unissent dans un objectif commun. Les États doivent apprendre à travailler en partenariat avec ces entités et à tirer parti des avantages qu’elles peuvent apporter aux affaires internationales.

D’autres acteurs non étatiques ont une influence destructive. Des organisations terroristes et extrémistes violentes, des cartels de crime organisé et des groupes de pirates informatiques affichent des comportements qui ne peuvent être neutralisés facilement au moyen des cadres et des mécanismes qui régissent les interactions entre États. Par ailleurs, dans certaines régions du monde, des organisations terroristes et extrémistes ont réussi à s’intégrer dans les communautés locales, estompant ainsi la frontière entre ces organisations et les populations civiles et augmentant la complexité de l’environnement de sécurité. Dans certains cas, la population locale perçoit ces organisations comme étant plus légitimes que l’État, ce qui complique davantage la situation et nuit à l’autorité de l’État. Cette dynamique exige que les États cherchent de nouvelles façons de contrer les menaces sans frontière et d’en atténuer les effets nuisibles.

Gouvernance mondiale

Alors que la puissance relative des États évolue et que de nouvelles voix prennent de l’importance, les institutions internationales existantes doivent s’adapter aux nouvelles réalités. L’efficacité du système international repose largement sur l’engagement actif de tous les États. Il sera primordial d’assurer la cohésion et de maintenir la responsabilité à mesure que de nouveaux groupements seront intégrés au système international. Il est de l’intérêt du Canada que les mécanismes de gouvernance mondiale existants, notamment les organisations et les processus de négociation multilatéraux, fonctionnent bien et demeurent flexibles pour intégrer de nouvelles perspectives.

La gouvernance mondiale est mise à risque lorsque les règles et les normes sont ignorées. Les efforts incessants de la Corée du Nord pour faire avancer ses programmes de mise au point d’armes nucléaires et de missiles balistiques, incluant deux essais nucléaires en 2016 et de nombreux essais de missiles balistiques, dénotent un mépris évident pour de multiples résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies et démontrent que la Corée du Nord pose une menace sérieuse et de plus en plus grave pour la stabilité de la région ainsi que pour la paix et la sécurité internationales. L’acte odieux de la Syrie, qui a recouru aux armes de destruction massive contre des civils innocents en violation flagrante du droit international et de valeurs universelles, est extrêmement préoccupant.

Nature changeante du conflit

Les caractéristiques des conflits ont évolué considérablement au cours des 10 dernières années – des causes sous-jacentes aux acteurs et aux méthodes de guerre. Pendant cette période, des acteurs étatiques et non étatiques ont fait preuve d’une volonté marquée de recourir à la violence pour arriver à leurs fins politiques, ce qui a eu un impact particulier sur les civils. Le Moyen-Orient est actuellement la région la plus violente au monde, principalement en raison des conflits actuels en Syrie et en Iraq. Les milliers de décès causés par le conflit en Ukraine signifient que la violence organisée a fait son retour en Europe. Bien que plusieurs pays africains aient fait des progrès impressionants, d’autres continuent de lutter contre le conflit et la fragilité. La demande pour des opérations de maintien de la paix des Nations Unies a atteint un sommet historique.

Complexité grandissante

Diverses conditions interdépendantes peuvent déclencher ou influencer des conflits de façon inattendue. L’inégalité économique, par exemple, peut engendrer une agitation sociale lourde de conséquences potentiellement importantes, y compris en Occident. Un grand nombre de jeunes sans emploi, en particulier, est traditionnellement source d’instabilité, et dans le contexte d’aujourd’hui, ils peuvent constituer des cibles de choix pour le recrutement d’extrémistes violents. Les changements démographiques, en général, peuvent avoir des effets déstabilisants. La croissance d’une population, surtout lorsqu’elle s’accompagne d’une transition massive des zones rurales vers les milieux urbains, continue d’exercer une pression sur les villes du monde et augmente la concurrence pour les ressources.

Le nombre de migrants dans le monde qui fuient des problèmes économiques ou environnementaux ou causés par des conflits a atteint un sommet depuis la Seconde Guerre mondiale. Un déplacement forcé aussi rapide peut miner des institutions et mettre à l’épreuve la résilience des populations d’accueil. Ces facteurs peuvent aussi exacerber les conséquences négatives des inégalités et de la marginalisation.

En plus de ces causes sous-jacentes du conflit, les effets du changement climatique peuvent aggraver les vulnérabilités existantes, comme une faible gouvernance, et exacerber les sources de tension, comme la rareté des ressources. Les effets du changement climatique doivent donc être étudiés du point de vue de la sécurité.

Le changement climatique se présente comme un problème de sécurité sans frontière.

La fréquence, la sévérité et l’ampleur grandissantes des phénomènes météorologiques extrêmes partout dans le monde – l’un des résultats les plus immédiats et visibles du changement climatique – continueront probablement à engendrer des crises humanitaires.

Les effets du changement climatique peuvent aussi aggraver les vulnérabilités existantes, comme la faible gouvernance, et accroître la rareté des ressources, ce qui à son tour avive les tensions et entraîne des migrations.

Au Canada, le changement climatique transforme le paysage de l’Arctique et entraîne un ensemble de défis en évolution en matière de sécurité, d’une hausse des besoins en services de recherche et sauvetage à une attention internationale et des activités militaires accrues.

La zone grise et la guerre hybride

Les acteurs étatiques et non étatiques poursuivent de plus en plus leurs objectifs à l’aide de méthodes hybrides dans la « zone grise », juste sous le seuil du conflit armé. Les méthodes hybrides consistent à exploiter de manière coordonnée divers instruments diplomatiques, d’information, cybernétiques, militaires et économiques pour atteindre des objectifs stratégiques ou opérationnels. Elles reposent souvent sur la diffusion délibérée de renseignements erronés afin de semer la confusion et la discorde dans la communauté internationale, de créer de l’ambiguïté et de maintenir un déni plausible. L’utilisation de méthodes hybrides augmente également le potentiel d’une erreur de perception ou d’un faux calcul. Ces méthodes sont utilisées fréquemment pour miner la crédibilité et la légitimité d’un gouvernement national ou d’une alliance internationale. En restant dans le brouillard de la zone grise, les États peuvent exercer une influence sur les événements qui leur soit favorable sans provoquer un conflit armé ouvert. De plus, le recours à de telles tactiques hybrides présente des défis en ce qui concerne la détection, l’attribution et la réponse pour le Canada et ses alliés, notamment en ce qui concerne la compréhension et l’application de l’article 5 de l’OTAN.

Liens entre conflits interétatiques et intra-étatiques

La distinction entre conflit interétatique et intra-étatique devient moins pertinente quand il s’agit de l’intensité. De plus en plus, les conflits intra-étatiques se déroulent dans des environnements à menace élevée et à haute intensité en présence de groupes organisés et bien armés. Les États faisant appel à des intermédiaires pour commettre des actes violents en leur nom, on a assisté au cours des cinq dernières années à une hausse du nombre de conflits intra-étatiques auxquels participent des troupes externes. Les conflits en Syrie, en Iraq et en Ukraine orientale impliquaient des milices appuyées par un État et agissant soit comme renforts aux forces conventionnelles, soit comme méthode d’employer la force en conservant un déni plausible. Ces conflits illustrent comment l’injection de ressources appuyées par un État peut augmenter la complexité et l’intensité des conflits intra-étatiques.

Terrorisme mondial

Le terrorisme n’est pas une menace nouvelle, mais une menace ayant beaucoup évolué, et il représente un problème qui ne peut être réglé uniquement par les forces armées. Le bilan mondial des décès liés au terrorisme a plus que doublé au cours des 20 dernières années, illustrant la volonté des acteurs non étatiques d’employer la violence pour arriver à leurs fins. Alors que cette tendance traduit une violence chronique largement concentrée au Moyen-Orient et dans certaines régions de l’Afrique, les événements de la dernière année indiquent que des groupes terroristes étendent leur présence, en organisant ou en inspirant des attentats dans de grandes villes européennes et nord-américaines. Les organisations terroristes et les organisations extrémistes violentes, plus particulièrement al-Qaïda et Daech, sont également décidées à cibler les intérêts occidentaux au moyen d’attaques terroristes et d’enlèvements.

Pour perturber les réseaux terroristes, une démarche à plusieurs volets s’impose, notamment pour interrompre le financement terroriste et déjouer les stratégies de communication utilisées par les extrémistes violents. La possibilité que les groupes terroristes s’étendent dans les zones sans gouvernance et qu’ils exploitent les technologies de l’information pour former des alliances et de vastes réseaux transrégionaux pose aussi un défi pour la sécurité. Les pays, comme le Canada, qui sont déterminés à lutter contre le terrorisme, auront besoin de renseignements solides sur les menaces éventuelles. Les concepts traditionnels de la dissuasion pourraient aussi ne pas s’appliquer aux acteurs non étatiques qui calculent les risques et les récompenses de façon radicalement différente et qui ne souscrivent pas aux valeurs universelles inscrites dans la Charte des Nations Unies.

Au pays, le Canada demeure une cible de menaces directes de la part de groupes comme Daech et al-Qaïda, et de quelques individus inspirés par les idéologies extrémistes violentes de ces groupes. Certains ont participé à des activités de nature terroriste comme la promotion de la violence en ligne, la radicalisation de leurs pairs, le recrutement et la collecte de fonds. D’autres envisagent de se rendre à l’étranger pour se rallier au rang d’un groupe terroriste ou pour mener eux-mêmes un attentat. Dans le cadre d’une stratégie élargie, les mesures de lutte contre la radicalisation et la mobilisation significative de la population s’avéreront essentielles si l’on veut diminuer l’attrait des idéologies extrémistes violentes chez un petit nombre d’individus.

Prolifération des armes

Le risque de la prolifération d’armes de destruction massive – aussi bien chimiques, biologiques, radiologiques que nucléaires, demeure préoccupant. La prolifération de la technologie des missiles balistiques comme vecteur de ces armes constitue aussi une source d’inquiétude. Le nombre de pays ayant accès à la technologie des missiles balistiques, dont certains ont les moyens d’atteindre l’Amérique du Nord ou de cibler les forces canadiennes ou alliées en déploiement, a augmenté et devrait continuer de croître et devenir plus complexe. Les essais fréquents d’armes nucléaires et de missiles de la Corée du Nord illustrent ce point. Des démarches diplomatiques entreprises dans le cadre du Plan d’action global ont permis de restreindre le programme nucléaire de l’Iran. Toutefois, ce pays possède aussi un nombre considérable de missiles balistiques à courte et moyenne portées qui peuvent constituer une menace importante. Le recours illicite aux armes chimiques contre des populations civiles et militaires est également source d’inquiétude. Le Mécanisme d’enquête conjoint des Nations Unies et de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques a attribué l’utilisation de chlore et de gaz moutarde en Syrie à la fois à des acteurs non étatiques et étatiques, y compris le régime syrien. De plus, la Corée du Nord continue de maintenir un programme d’armes chimiques et biologiques.

Enfin, en raison de leur faible coût et leur accessibilité, la majorité des conflits armés continuent d’être livrés à l’aide d’armes légères. On évalue à entre 300 000 et 500 000 le nombre de morts causés par ces armes, soit plus de 90 p. 100 des victimes de conflits armés. Plus de 1 000 entreprises dans 100 pays produisent certains aspects de ces armes, et bien que la majorité de ces armes soient transférées en toute légalité, le manque de réglementation et de contrôles dans de nombreuses régions où des conflits sont présents a donné lieu au développement de marchés illicites, ce qui complique l’effort visant à freiner leur prolifération. Le Canada renforcera ses contrôles à l’exportation et aidera au renforcement des contrôles internationaux sur les armes conventionnelles en participant au Traité sur le commerce des armes.

Évolution de la nature des opérations de paix

La violence et l’instabilité suscitées par les États fragiles et les menaces transnationales ont entraîné des violations des droits de la personne et des tragédies humaines horribles. Dans ce contexte, les opérations de paix des Nations Unies constituent un important outil pour la communauté internationale afin de faire la promotion de la paix et de la sécurité, notamment par l’augmentation des efforts pour prévenir l’éclatement des conflits en premier lieu, et pour aider les pays qui sortent d’un conflit à instaurer une paix durable.

L’évolution des opérations de paix des Nations Unies dans les trois dernières décennies reflète la nature changeante des conflits auxquels ces opérations répondent. La majorité des missions des Nations Unies sont déployées dans des environnements politique et de sécurité complexes. Elles ont lieu dans des conditions difficiles et sont dotées de mandats robustes et multidimensionnels. Effectivement, les deux tiers des soldats du maintien de la paix travaillent maintenant dans des zones de conflit actif. À ce titre, les opérations de paix sont maintenant régulièrement mandatées d’employer la force pour protéger les populations en danger et pour aider à instaurer les conditions nécessaires pour mettre un terme au conflit.

La réalisation de missions dans ce contexte a apporté de nouveaux défis. Les missions des Nations Unies n’ont souvent pas les moyens requis pour s’acquitter de leur mandat. Le Canada est bien placé pour combler ces manques. Nos capacités et notre expertise spécialisées peuvent jouer un rôle crucial pour renforcer l’efficacité d’une mission sur le terrain, appuyer le processus de paix et la consolidation de la paix après le conflit, et l’amélioration de l’instruction à la disposition des autres pays fournisseurs de troupes. Le Canada peut également aider à améliorer la gestion générale des opérations de paix en augmentant la capacité des Nations Unies à fournir du leadership et de l’orientation supérieurs depuis le quartier général.

Les opérations de paix des Nations Unies peuvent également faire la promotion des valeurs et des intérêts du Canada. Ces opérations jouent un rôle essentiel pour faire avancer la démocratie, faire respecter les droits de la personne et offrir du soutien aux collectivités vulnérables et marginalisées qui en ont le plus besoin. Dans le cadre d’une approche féministe à l’égard de la politique internationale, le Canada s’est engagé à travailler avec les Nations Unies pour mettre fin à la violence sexuelle liée aux conflits et à l’utilisation des enfants-soldats. Cet engagement comprend de faire avancer la mise en oeuvre de la Résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité, et de faire en sorte que les Casques bleus soient tenus aux plus hautes normes de conduite.

Évolution rapide de la technologie

La révolution de l’information est un des principaux moteurs de plusieurs des occasions les plus intéressantes dans le monde. Les forces armées modernes dépendent de réseaux et de données pour planifier et exécuter leurs missions. L’essentiel de ce qui donne aux forces armées occidentales leur avantage technologique et tactique dépend de systèmes spatiaux et d’outils agiles de technologie et de gestion de l’information permettant de rassembler et de manipuler des quantités importantes d’information.

Les développements technologiques laissent entrevoir dans le futur une défense qui sera considérablement différente de celle d’aujourd’hui en étant caractérisée davantage par les technologies de l’information, l’analyse des données, l’apprentissage profond, les systèmes autonomes, les avancées dans le domaine électromagnétique et le cyberdomaine, ainsi que par diverses technologies transformatrices, de l’informatique quantique à la biologie synthétique. Chacune de ces avancées a le potentiel de changer la nature fondamentale des opérations militaires. En raison de la cadence rapide de l’évolution technologique, il faut que les systèmes juridiques et de gouvernance nationaux et internationaux s’adaptent de façon efficace et en temps utile.

Le Canada est déterminé à employer les nouvelles capacités dans le strict respect du droit international et en assurant une responsabilité et une surveillance totale. Compte tenu des mesures réussies qu’il a prises pour faire avancer les droits de la personne et établir de nouvelles normes internationales, le Canada est également bien placé pour faire la promotion des normes les plus élevées quant à l’utilisation du cyberdomaine, de l’espace et des systèmes télépilotés auprès de ses partenaires internationaux.

Cyberdomaine

La sécurité n’était pas un facteur lorsqu’Internet a été créé initialement; il s’agissait plutôt d’un système ouvert pour faciliter l’échange rapide de données. Les avancées de la technologie ont ouvert le cyberdomaine à divers acteurs étatiques et non étatiques. Les réseaux terroristes, par exemple, se servent déjà du cyberespace pour faciliter leurs activités de recrutement, de financement et de propagande, et ils cherchent simultanément à exploiter la dépendance du monde occidental aux cybersystèmes.

Les cybermenaces les plus élaborées sont issues des services de renseignement et militaires de pays étrangers. Les gouvernements technologiquement évolués, leurs forces armées et les entreprises privées sont vulnérables au cyberespionnage dirigé par un État et aux cyberopérations perturbatrices. On peut s’attendre à ce que cette menace prenne de l’ampleur au cours des années à venir. Contrer cette menace est compliquée par la difficulté d’identifier avec certitude la source des cyberattaques et par les problèmes de compétence juridique liés à l’éloignement éventuel de la source des cyberattaques.

Dans le contexte militaire, alors que l’utilisation du cyberespace est maintenant indispensable à la réussite opérationnelle, les adversaires éventuels, y compris les mandataires d’un État et les acteurs non étatiques, se dotent rapidement de cybermoyens pour exploiter les vulnérabilités inhérentes des systèmes C4ISR (commandement, contrôle, communication, informatique, renseignement, surveillance et reconnaissance), dont dépendent les forces armées ainsi que d’autres technologies opérationnelles comme les systèmes d’armes.

Domaine spatial

Les satellites sont essentiels à une quantité grandissante d’activités quotidiennes, dont la fonction d’« horodatage » des guichets automatiques et des places boursières, la coordination du contrôle de la circulation aérienne et de la livraison « juste à temps » des biens, ainsi que le fonctionnement des téléphones cellulaires et des téléviseurs. Les ressources basées dans l’espace sont indispensables aux forces militaires modernes. Les satellites offrent un soutien pour l’ensemble des opérations, de l’assistance humanitaire à l’intervention en cas de catastrophe, en passant par le soutien de la paix et le combat. Ils sont essentiels pour la navigation, les communications et le renseignement.

L’environnement spatial en évolution est souvent décrit comme étant congestionné, concurrentiel et contesté.

La congestion croissante signifie que le risque de collision entre satellites et autres engins ou débris en orbite continue d’augmenter à mesure que d’autres objets sont lancés dans l’espace. L’espace est maintenant congestionné au point où les débris en orbite posent un danger réel et grandissant aux opérations spatiales quotidiennes, et ce problème ne peut qu’aller grandissant compte tenu de la prolifération de microsatellites et de petits satellites lancés par l’industrie. Les exigences des opérations spatiales présentent leurs propres difficultés, notamment les rayonnements dangereux et les conditions météorologiques spatiales défavorables, qui peuvent dégrader le fonctionnement des satellites au fil du temps.

La concurrence dans l’espace extra-atmosphérique ne cesse d’augmenter. En plus du nombre grandissant de programmes spatiaux parrainés par des États, le commerce de l’industrie spatiale a augmenté de façon exponentielle au cours des dernières années. Bien que cela ait grandement favorisé la congestion de l’espace, il en découle d’intéressantes possibilités en vue d’une collaboration mutuellement avantageuse entre les secteurs public et privé.

Finalement, l’espace est un environnement de plus en plus contesté. Bien que le Canada demeure déterminé à se servir de l’espace de manière pacifique, nos ressources spatiales sont devenues des cibles potentielles, et certains États mettent au point des armes antisatellites (armes ASAT) qui pourraient éventuellement menacer l’accès au domaine spatial. Certains pays ont déjà la capacité de perturber temporairement des services spatiaux, comme le système mondial de positionnement (GPS) ou les communications par satellite, et un nombre restreint de pays disposent – ou ont fait part de leur intérêt à disposer – d’une capacité de causer des effets plus permanents, notamment la destruction de satellites. Les enjeux liés à l’espace sont amplifiés par le fait que le cadre juridique international régissant le domaine spatial continue d’évoluer en réponse aux changements rapides. Le Canada peut faire preuve de leadership en faisant la promotion des normes militaires et civiles en matière de comportements responsables dans l’espace qu’il faut respecter afin d’en assurer une utilisation pacifique.

Incidences pour le Canada de l’évolution du contexte de sécurité

  • Le contexte de sécurité mondial transcende les frontières nationales et exige que le Canada participe à la promotion de la paix et de la stabilité à l’étranger afin de maintenir la sécurité au pays.
  • Dans un contexte de sécurité internationale défini par la complexité et l’imprévisibilité, le Canada a besoin de forces armées agiles, instruites, souples, reflétant la diversité canadienne et prêtes au combat pouvant mener un grand éventail d’opérations, au pays comme à l’étranger.
  • La nature interdépendante des problèmes de sécurité internationale dénote l’importance de la connaissance et de la compréhension profondes. Au moyen d’une gamme d’outils d’analyse, le Canada doit se doter d’une connaissance approfondie de l’environnement de l’information et des opérations, ainsi que de la dimension humaine du conflit, afin de mieux prévoir les crises et d’améliorer nos interventions.
  • Pour garder le rythme, le Canada doit se doter de capacités spatiales et de cybercapacités et multiplier les activités de recherche et développement de pointe.
  • Le Canada doit continuer d’être un partenaire responsable qui ajoute de la valeur aux alliances traditionnelles, notamment le NORAD, l’OTAN et le Groupe des Cinq.
  • Le Canada doit concilier ces relations fondamentales et le besoin de collaborer avec les nouvelles puissances, plus particulièrement dans la région de l’Asie-Pacifique.
  • Le Canada doit contrer la menace découlant du terrorisme et des actes d’organisations extrémistes violentes, y compris dans les espaces échappant à toute autorité étatique.
  • Prenant acte des effets dévastateurs du changement climatique, le Canada doit rehausser sa capacité de réagir à des conditions météorologiques violentes ainsi qu’à d’autres catastrophes naturelles survenant au pays et à l’étranger.
  • Conscient de l’intérêt accru de la communauté internationale pour l’Arctique, le Canada doit améliorer sa capacité de mener des activités dans le Nord et travailler en étroite collaboration avec ses alliés et partenaires.
  • Le Canada et les États-Unis doivent travailler en parfaite harmonie pour moderniser le NORAD, afin de défendre l’Amérique du Nord.

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