Annexe F – Commandement, direction et gouvernance

Définitions

Unité :
Corps distinct des Forces canadiennes constitué comme tel au titre de l'article 17 de la Loi sur la Défense nationale et doté du personnel et du matériel appropriés87.
Formation :
Un élément des Forces canadiennes, autre qu’un commandement, comprenant deux unités ou plus désignées comme formation par le ministre ou en son nom et groupées sous un même commandant88.
Commandant :
Sauf lorsque le chef d’état-major. de la défense en décide autrement, l’officier qui commande une base, une unité ou un élément ou de tout autre officier désigné en qualité de commandant par le chef d’état-major de la défense ou sous son autorité89.

Domaines d’évaluation

  1. La lettre de mandat du VCEMD demandait à l’équipe VAEM de répondre aux questions suivantes concernant le commandement, la direction et la gouvernance :
    1. De quelle manière la structure actuelle de commandement et de contrôle (C2) et l’autorité de gestion influent-elles sur la gouvernance du CMRC? Cette question comprend la structure de C2 de l’Escadre militaire, les pratiques de la direction au sein de l’Escadre des élèves-officiers, et la gouvernance touchant l’Escadre des études.
    2. Aussi quels sont l’effet et l’impact, le cas échéant, de la structure actuelle de C2 au CPM, à la GENPERMIL et à l’ACD sur le C2 du CMRC?
    3. Quel niveau de confiance ont les élèves-officiers en la direction du CMRC?
  2. Commandement et direction du CMRC. En vertu de la Loi sur la défense nationale, les Forces canadiennes sont formées des commandements – notamment la Marine royale canadienne (MRC), l’Armée canadienne (AC) et l’Aviation royale canadienne (ARC) – formations, unités et autres éléments constitués par le ministre ou sous son autorité90.
  3. Le ministre a organisé le Collège militaire royal du Canada (CMRC) en unité91. L’officier nommé pour commander le CMRC est un commandant (cmdt) et détient la nomination de « commandant »92. Le commandant exerce le commandement sur tous les officiers et les militaires du rang au CMRC93. Le commandant est également responsable, à titre de commandant, de toute l’organisation et de la sécurité de son unité94, et doit publier des ordres permanents concernant les questions propres à son unité95.
  4. Le ministre a affecté le CMRC à l’Académie canadienne de défense (ACD), une formation96 . Le commandant ACD exerce le commandement sur toutes les unités affectées à la formation97. Le commandant du CRMC répond au commandant ACD98.
  5. Le ministre a affecté l’ACD au Commandement du personnel militaire (COMPERSMIL)99. Le commandant COMPERSMIL exerce le commandement sur toutes les formations et les unités affectées au Commandement, et il répond au CEMD pour leur contrôle et leur administration100.Le cmdt ACD répond au cmdt COMPERSMIL101.
  6. La Génération du personnel militaire (GENPERSMIL) est apparemment un regroupement de l’ACD et du Groupe du recrutement des Forces canadiennes (GRFC), une autre formation affectée par le ministre au COMPERSMIL,102 mais qui n’a pas été organisée conformément à la Loi sur la défense nationale, et qui n’a, par conséquent, aucune existence officielle au sein des Forces armées canadiennes103.
  7. Gouvernance du programme d’études du CMR. Le gouverneur en conseil et les autres autorités qu’il désigne ou nomme à cette fin peuvent, dans l’intérêt de la défense nationale, créer des établissements pour la formation et l’instruction des officiers et militaires du rang, des fonctionnaires du ministère, des candidats à l’enrôlement dans les Forces canadiennes ou à un emploi au ministère, ainsi que d'autres personnes autorisées à les fréquenter par le ministre ou en son nom104. Les établissements visés au paragraphe (1) sont régis et administrés selon les modalités fixées par le ministre105.
  8. Les Ordonnances et règlements royaux applicables aux collèges militaires du Canada (OR[Colmilcan]) établissent la structure de gouvernance du CMRC, notamment :
    1. Établir les rôles et les objectifs des collèges militaires royaux du Canada (désignés par CMRC, le Royal Roads Military College [RRMC], et le Collège militaire royal de Saint-Jean [CMR], même si ces deux derniers collèges ont fermé en 1995, le CMR de Saint-Jean a réouvert en 2008);
    2. Désigner le ministre comme chancelier et président de chaque collège;
    3. Énoncer que le fonctionnaire du MDN qui occupe le poste de Sous-ministre adjoint (Personnel) (devenu depuis le Chef – Personnel militaire) exerce le commandement et assure la direction des Collèges militaires du Canada. Le commandement à chacun des collèges est exercé par le commandant106;
    4. Créer un Comité consultatif, un Conseil général, un Conseil des affaires universitaires, un Comité d’examen des programmes et une assemblée générale des professeurs, et préciser la composition de chacun de ces conseils107.
  9. Alors qu’une petite partie des dispositions dans les OR(Colmilcan) sont des ordonnances publiées par le CEMD, la majorité est constituée de règlements ministériels, par conséquent, ont force de loi. Les OR(Colmilcan) sont complétés par les Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC)108.
  10. Les OR(Comilcan) renvoient aussi au Sénat du CMR, qui est constitué en vertu de la The Royal Military College of Canada Degrees Act, 1959, pour conférer des diplômes et des diplômes honorifiques en lettres, en sciences et en génie. Selon cette loi, le Sénat est composé du président, du commandant, du directeur des études (recteur du CMR), des présidents des sections d’études (doyens) et du secrétaire général, qui est le secrétaire du Sénat; les OR(Colmilcan) désignent le Sénat comme étant composé du président, du commandant, du recteur, des doyens et du secrétaire général109.
  11. Les OR(Colmilcan) établissent aussi l’Assemblée générale des professeurs et le Conseil des études. Le rôle du Conseil des études est de transmettre au commandant des recommandations appropriées en matière d’enseignement110, tandis que l’Assemblée générale des professeurs est chargée de transmettre des recommandations en matière d’enseignement au Conseil des études111.
  12. L’équipe VAEM spéciale a reçu les mandats du Conseil des études et de l’Assemblée générale des professeurs, ainsi que du Conseil des doyens et du Conseil de l’intégrité des études, chacun étant décrit comme un comité permanent du Sénat.  Ces mandats indiquent que le Conseil des études est l'organe décisionnel pour toutes les questions concernant les études qui ne relèvent pas directement du Sénat, et que les responsabilités de l’Assemblée générale des professeurs comprennent de transmettre des recommandations au Conseil des études sur n’importe quel sujet, et en particulier sur les sujets concernant les études112. Le mandat de l’Assemblée générale des professeurs énonce aussi qu’elle élira un représentant au Sénat, qui occupera aussi les fonctions de collègue universitaire au Conseil des universités de l’Ontario.
  13. Selon son mandat, le Conseil des doyens agit comme organe décisionnel pour toutes les questions concernant les études qui ne relèvent pas directement du Sénat (les questions qui relèvent du Sénat sont précisées dans les statuts de ce dernier) et qui ne relèvent pas non plus du Conseil des études. Le Conseil des doyens est désigné comme l’autorité de dernière instance pour les appels relatifs à des infractions en matière d’intégrité dans les études, sauf dans le cas où l’appel porte sur une sanction d’expulsion,  et donne des conseils au commandant du collège sous forme de recommandations sur toutes les questions concernant les études.
  14. Le mandat du Conseil de l’intégrité des études renvoie au Règlement concernant les études 23 (Étudiants de premier cycle) et 5.7 (Étudiants de deuxième et de troisième cycle), et énonce  que ses fonctions sont de conseiller le Conseil des études, le Conseil des doyens et le Sénat sur tous les aspects de l’intégrité dans les études, ainsi que de déterminer s’il y a eu infraction en matière d’intégrité dans les études, de déterminer la sanction qu’il convient – et dans les cas où l’expulsion fait partie des sanctions – de soumettre automatiquement un appel au Sénat (le Conseil des doyens est la dernière instance pour les décisions prises par le Conseil de l’intégrité des études).
  15. Les dispositions de ces divers mandats ne concordent pas à la The Royal Military College of Canada Degrees Act, 1959 et ni aux OR(Colmilcan). Par exemple, aucun mandat ne précise un représentant élu dans la composition du Sénat, ni ne fournit de pouvoirs explicites aux sous-comités du Sénat ou à ses statuts; les OR(Colmilcan) ne mentionnent ni le Conseil des doyens ni le Conseil de l’intégrité des études.
  16. Le ministre a également établi le Conseil des gouverneurs du CMRC, qui n’est pas mentionné lui non plus dans les OR(Colmilcan). Selon le mandat publié par le ministre113, le rôle du conseil des gouverneurs est de :
    1. Fournir des avis et faire des recommandations au ministre de la Défense nationale, en sa qualité de chancelier et de président du CMRC, sur toutes les questions concernant le CMRC;
    2. Approuver le programme d’études au nom du ministre;
    3. Collaborer au développement de l’orientation stratégique du CMRC, et assister le commandant du CMRC et le commandant ACD sur les questions touchant le Collège.
  17. Les responsabilités du Conseil des gouverneurs sont énumérées dans le mandat comme suit :
    1. Au nom du ministre, le Conseil examine et approuve les programmes d’études offerts au Collège en tenant compte de leur qualité et de leur pertinence en vue de leur reconnaissance par les organismes d’accréditation du milieu universitaire114. À titre d’organisme de consultation115, le Conseil aide et guide le commandant ACD par des activités qui incluent, sans toutefois s’y limiter, la responsabilité d’examiner et de conseiller sur :
      1. Le programme militaire offert au CMRC;
      2. La qualité et la pertinence du programme sportif et d’éducation physique du CMRC;
      3. La mise en application de l’enseignement de la seconde langue officielle aux élèves-officiers;
      4. Le processus de promotion des professeurs d’université afin de s’assurer qu’il est appliqué de façon appropriée;
      5. Le plan de recherche stratégique du CMRC;
      6. Les plans d’activités et de développement à long terme du CMRC;
      7. Le renforcement des voies de communication et de collaboration avec les anciens et la collectivité en général et, au besoin, l’adoption ou la promotion d’initiatives de collecte de fonds visant à encourager les dons à la Fondation du Collège militaire royal du Canada au profit du CMRC;
      8. Le règlement des problèmes touchant la population étudiante pour lesquels il n'existe pas de mécanisme de recours dans la chaîne de commandement actuelle, à la demande du commandant ou des étudiants eux-mêmes;
      9. La compilation de l'ensemble des évaluations et des rapports touchant les activités du CMRC.
  18. Le Conseil des gouverneurs est chargé de la recommandation des candidats pour le poste de recteur du Collège. Le Conseil formulera, sur demande, des avis au commandant ACD, veillera à fournir le procès-verbal des réunions du Conseil au ministre, et rencontrera le ministre une fois l’an, ou suivant les besoins du ministre.
  19. Bien que les fonctions du commandant soient établies dans les OR(Colmilcan)116, le ministre de la Défense nationale a publié des directives ministérielles à l’intention du recteur (nommé par le gouverneur en conseil)117. Ces directives énoncent que le recteur a préséance sur le commandant sur tous les aspects autres que le commandement118, et relève du commandant pour ce qui suit :
    1. Le contrôle et la direction de l’Escadre des études;
    2. L’enseignement correct et adéquat des matières prescrites pour les programmes d’études qui sont approuvés par le quartier général de la Défense nationale;
    3. La conduite appropriée de l’enseignement de la langue seconde selon les instructions approuvées par le quartier général de la Défense nationale.
  20. Les directives assignent également au recteur diverses responsabilités, y compris de, notamment :
    1. Fournir du leadership organisationnel dans la gestion d’une université nationale vouée à l’éducation et au développement des leaders engagés à servir le Canada, au moyen d’un programme constitué de quatre composantes, études universitaires, leadership militaire, condition physique et bilinguisme. De ces quatre composantes, le recteur est principalement responsable des études universitaires et du bilinguisme;
    2. Élaborer et exécuter des concepts stratégiques, planifier et gérer la direction générale nécessaire pour maintenir la longue tradition du CMRC en tant qu’institution d’excellence universitaire;
    3. Fournir le leadership universitaire pour cerner et satisfaire les besoins professionnels et éducatifs des officiers et des militaires du rang, et préparer et motiver les élof/aspm pour servir efficacement grâce à la conception, au développement et à la prestation de programmes d’études universitaires de premier, de deuxième et de troisième cycles dans les deux langues officielles;
    4. Fournir le leadership intellectuel pour gérer les interactions entre la culture militaire des FAC et la culture institutionnelle d’une université nationale;
    5. Voir à ce que le CMRC ait la capacité de conceptualiser, de développer et de mettre en œuvre des solutions organisationnelles pour le développement des officiers des FAC, à l’aide d’approches et de techniques à la fine pointe ainsi que des outils technologiques appropriés pour maintenir l’intégrité des études du CMRC et d’appuyer l’atteinte des objectifs stratégiques et des objectifs opérationnels des FAC;
    6. Veiller à ce que le CMRC maintienne une intégrité des études reconnue à l’échelle nationale et internationale et des normes de qualité à titre d’institution accréditée pour conférer des diplômes;
    7. En tant que président du Conseil des études et de l’Assemblée générale des professeurs, acheminer les recommandations au Sénat pour l’établissement de nouveaux programmes d’études ou la modification de programmes existants pour mieux atteindre les objectifs du CMRC.
  21. Le CRMC, au titre des nombreuses mesures qu’il a prises pour rehausser la reconnaissance de la qualité de ses programmes et de ses diplômes universitaires, est membre de l’association « Universités Canada ». Les critères d’adhésion à cette association comme membre sont les suivants :
    1. Avoir les pouvoirs qu’il prétend exercer en vertu de l’autorité qui lui est accordée par la Couronne ou par voie de statut;
    2. Avoir une structure de régie et d’administration adaptée à une université;
    3. Avoir un énoncé de mission et des objectifs éducatifs approuvés qui conviennent à une université;
    4. Offrir un ou des programmes complets d’études au premier et (ou) aux cycles supérieurs respectant sa mission et ses objectifs et menant à un ou à des grades conférés;
    5. Convaincre le Conseil d’administration d’Universités Canada qu’il offre un programme d’enseignement de qualité universitaire;
    6. En ce qui concerne toutes ses politiques et ses pratiques, l’établissement confirme son engagement envers le traitement égal de tous, sans discrimination, fondée sur les motifs figurant dans la loi applicable sur les droits de la personne119.
  22. Le CMRC participe aussi au cadre d’assurance de la qualité qui a été élaboré au nom du Ontario Universities Council on Quality Assurance, un organisme établi par le Conseil des universités de l’Ontario, qui mène ses activités sans lien de dépendance avec les universités de l’Ontario financées publiquement ou avec le gouvernement de l’Ontario120. Le cadre d’assurance de la qualité supervise l’assurance de la qualité des programmes universitaires au moyen de l’accréditation des nouveaux programmes et de la conduite d’examens cycliques des programmes existants121. De plus, le CRMC demande l’accréditation de ses divers programmes de génie par Ingénieurs Canada, l’organisme national qui regroupe les ordres provinciaux et territoriaux chargés de réglementer l’exercice de la profession du génie au Canada et de délivrer les permis d’exercice aux ingénieurs du pays122.
  23. Sans égard à sa participation volontaire à ces associations et à ces programmes universitaires, le CMRC, à l’inverse des autres universités de l’Ontario, est assujetti à la législation fédérale au lieu de la législation provinciale. Les lois applicables comprennent non seulement la Loi sur la défense nationale et les ORFC (de même que les OR[Colmilcan]), mais aussi d’autres lois fédérales, telles que la Loi canadienne sur les droits de la personne123. Inversement, les lois provinciales – comme la nouvelle loi de l’Ontario Loi sur le plan d’action contre la violence et le harcèlement sexuels – ne s’appliquent pas124. Ces questions sont traitées au CRMC conformément au Code de discipline qui est établi dans la Loi sur la défense nationale125, ainsi que dans les ORFC, les DOAD et les autres ordonnances et directives pertinentes.

Observations

  1. La structure de gouvernance du CMRC est probablement la plus complexe de toutes les unités des FAC. Elle comprend l’habituelle chaîne de commandement et une chaîne de commandement parallèle (la chaîne de commandement des élèves-officiers et des aspirants, abordée ci-dessous) qui fonctionne en coopération avec l’Escadre d’instruction, l’Escadre des études, et les diverses instances de gouvernance universitaire qui ont été établies par le ministre. Bien que le Sénat du CMRC confère des diplômes en vertu de la législation de l’Ontario, le Collège est une unité des FAC, qui mène ses activités dans l’intérêt de la défense nationale, et est assujetti aux lois fédérales. Ainsi, alors que les personnes au Collège sont soumises au cadre légal et politique applicable à l’ensemble du MDN et des FAC, le ministre a également prescrit la manière selon laquelle le Collège est gouverné et administré, au moyen des OR(Colmilcan), les directives ministérielles à l’intention du recteur, et du mandat du Conseil des gouverneurs.
  2. Ces instruments ont été publiés ou modifiés à différents moments. Pour certains aspects, ces instruments se contredisent, ou encore, ils sont complètement muets; ainsi, il y a un manque de clarté dans les pouvoirs, dans les mesures et dans les décisions de certaines instances liées aux études.
  3. Étant donné cette complexité et ce manque de clarté, il n’est pas étonnant que l’équipe VAEM spéciale ait entendu de la confusion à propos du domaine qui devrait prendre la préséance au Collège, les études ou la vie militaire :
    1. « Le leadership doit décider si le Collège est une université militaire ou une université civile avec une composante militaire. » (Entrevue avec un membre de l’Escadre d’instruction)
    2. « “Effet de marmite à pression” : le Collège est à la fois une université et une unité militaire, avec un effet de balancier entre les priorités accordées aux exigences militaires et à celles liées aux études, ce qui mène à des tentatives d’augmenter ces exigences dans les deux domaines. »  (Entrevue avec un élof/aspm)
  4. Plusieurs membres de l’Escadre des études ont exprimé la préoccupation que le personnel militaire ne connait pas suffisamment les exigences liées aux études qui sont particulières à une université.
    1. « Je ne crois pas que le MDN et la chaîne de commandement des FAC comprennent comment une université doit fonctionner. L’ACD et la GENPERSMIL ont surtout une vision militaire et ont de la difficulté à concilier le mandat double (universitaire et militaire) du Collège. » (Entrevue avec un membre de l’Escadre des études)
    2. « Il y a un coût substantiel à obtenir et à maintenir une accréditation universitaire. Cette accréditation n’est pas bien comprise à l’échelon stratégique du MDN et des FAC. Le corps enseignant doit être actif, au quotidien, pour la préserver. [...] Les décideurs doivent respecter ce que le CMR n’est pas : il n’est pas une école militaire, il n’est pas un cours d’instruction, il n’est pas une unité, une escadre ou un navire opérationnel. L’institution du CMRC ne peut pas répondre adéquatement à un “coup de barre” rapide. Elle a besoin de temps pour adapter son fonctionnement, à cause de sa grande complexité. » (Entrevue avec un membre de l’Escadre des études)
  5. Dans la perspective des élof/aspm, cette confusion se manifeste souvent dans les relations entre l’Escadre des études et l’Escadre d’instruction.
    1. « Il y a des problèmes de communication entre les escadres, qui causent des conflits dans les horaires. » (Entrevue avec un élof/aspm)
    2. « La communication et la compréhension mutuelle entre le personnel de l’Escadre militaire (généralement en poste pendant deux ans) et le personnel de l’Escadre des études (généralement en poste beaucoup plus longtemps) est très faible. » (Entrevue avec un membre de l’Escadre des études)
  6. Certains aspects de la structure de gouvernance du Collège peuvent contribuer à cette confusion et à ce manque de communication. Comme nous l’avons décrit ci-dessus, plusieurs des entités liées aux études qui ont été établies dans les OR(Colmilcan) ont cessé de fonctionner. D’autres ont repris des fonctions pour lesquelles elles n’ont pas de pouvoir explicite, ou on leur a ajouté des pouvoirs sans aucune source évidente. L’équipe VAEM spéciale comprend que le Conseil des gouverneurs peut déclencher un examen de son mandat s’il y a un manque de clarté perçu de son rôle.
  7. Étant donné que les OR(Colmilcan), à titre de règlements issus du ministre et du gouverneur en conseil, combinés aux ordonnances du CEMD, ne peuvent être modifiés qu’au moyen d’un long processus d’examen et d’approbation, ce manque de souplesse sert à contrecarrer le désir naturel des nouveaux dirigeants du CMRC d’apporter des changements, particulièrement dans le domaine méconnu de la gouvernance universitaire :
    1. « Les différents commandants essaient d’imposer leur marque; alors les priorités, les politiques et les pratiques changent constamment. » (Entrevue avec un élof/aspm)
    2. « Du point de vue de l’Escadre des études, un nouveau commandant qui arrive avec un “plan de campagne des 100 premiers jours” perd l’autorité sur l’Escadre des études dès le début, parce qu’un programme d’études ne peut pas changer en 100 jours. [...] Les dirigeants doivent avoir une main délicate sur la barre. » (Entrevue avec un membre de l’Escadre des études)
    3. « Le CMR fonctionne selon un équilibre fragile. Il faut traiter l’environnement comme un système et prendre soin de ne pas déranger les choses afin de ne pas rompre cet équilibre. Il faut être prudent quand on fait des changements au système. Sa capacité d’absorber les changements est limitée. » (Entrevue avec un membre de l’Escadre des études)
  8. Interaction avec le quartier général de l’ACD/la GENPERSMIL. L’équipe VAEM spéciale a reçu nombre de documents qui décrivaient les interactions entre le QG ACD/GENPERSMIL et le CMR et le CMRSJ. Par exemple, le commandant ACD/GENPERSMIL a publié une directive de l’ACD en juillet 2015, dans laquelle il met en évidence que les collèges militaires du Canada sont une composante importante de la capacité des FAC à fournir des officiers éduqués, et à offrir de l’orientation pour l’instruction des élèves-officiers et des aspirants de marine dans les quatre piliers du programme du PFOR-CMR et du PFOR-CMRSJ. Il note que le Comité d’examen des programmes a été mis sur pied pour voir à ce que les programmes concordent aux objectifs et aux exigences d’emplois des FAC, et donne des directives aux commandants à l’égard de l’atteinte des effets escomptés de Officier 2020. La directive décrit également les exigences du Modèle de progression des niveaux de leadership (MPNL) qui doivent être mises en œuvre au CMR et au CMRSJ. De même, il reconnaît le besoin pour l’ACD d’établir un système officiel d’évaluation du PFOR126. La directive a été publiée de nouveau en juillet 2016, avec des directives supplémentaires127.
  9.  Le Comité d’examen des programmes doit se réunir au début de l’automne et à la fin du printemps. Il est composé du commandant ACD/GENPERSMIL, des commandants du CMR et du CMRSJ, du recteur du CMRC et du conseiller des études du CMRSJ, du chef d’état-major de l’ACD (qui exerce aussi les fonctions de Directeur – Perfectionnement professionnel) et des représentants du Directeur général – Carrières militaires ainsi que de divers commandements. Les résultats du Comité d’examen de programme sont communiqués au Conseil de perfectionnement professionnel et au Conseil des gouverneurs128.
  10. On a fourni à l’équipe VAEM spéciale les comptes rendus de décisions des réunions du Comité d’examen des programmes de la fin de 2014 et du début de 2016129 . Ces comptes rendus abordent plusieurs enjeux cernés par l’équipe VAEM (par exemple, l’exigence de revoir les compétences requises du personnel militaire aux collèges militaires pour faire en sorte que les collèges obtiennent les bonnes personnes pour remplir les fonctions requises)130, et suggèrent que le QG ACD/GENPERSMIL n’a peut-être pas la capacité de régler ce genre d’enjeu d’une manière suffisamment opportune.
  11. Cette hypothèse a été corroborée par certaines personnes qui ont été interviewées par l’équipe VAEM spéciale. Ces personnes considèrent que le QG ACD/GENPERSMIL est « surchargé » : il est capable de s’occuper du perfectionnement professionnel, ou de l’instruction, mais pas des deux. Selon ces observateurs, cette situation a été aggravée par la perte de l’Institut de leadership des Forces canadiennes (ILFC), qui fonctionnait au sein de l’ACD. Désormais, le CMR, le CMRSJ et le Collège des Forces canadiennes (CFC) sont maintenant la seule source de conseils en ce qui a trait à l’éducation supérieure dans les FAC. L’équipe VAEM spéciale comprend que la possibilité de redonner au CMRSJ le pouvoir de conférer des grades universitaires a été soulevée, ce qui – s’il y a lieu – augmenterait le besoin de coordination de l’ACD/GENPERSMIL. L’équipe VAEM spéciale a aussi reçu une poignée d’autres commentaires concernant le rôle de l’ACD/GENPERSMIL et du COMPERSMIL par rapport au CMR :
    1. « Une personne a remarqué que dans les dernières années, il a vu pour la première fois un véritable commandement et contrôle exercé par le QG ACD/GENPERSMIL. Le QG devrait augmenter son C2 et sa supervision au fil de temps, au lieu de couper le cordon. » (Entrevue d’un membre de l’Escadre des études)
    2. « En plus de l’ACD, le GENPERSMIL est un autre échelon de QG qui intervient dans les affaires du CMR et qui ne sait pas nécessairement comment fonctionne une université. » (Entrevue avec un membre de l’Escadre des études)
    3. « Dans certains cas, il y a aussi des contraintes dans l’exercice des pouvoirs financiers et de dotation (la GENPERSMIL a limité les pouvoirs de dotation des RH au commandant lui-même). Généralement, nous devons doter environ 60 employés occasionnels par année (p. ex., des instructeurs de session), et ces dotations doivent être approuvées par le commandant. La dotation du personnel nommé pour une durée indéterminée prend à peu près un an, ce qui entraîne des répercussions sur les personnes qui doivent assumer la charge de travail. Le commandant GENPERSMIL revoit toutes les dépenses supérieures à 25 000 $ qui n’ont pas été prévues au plan des activités (p. ex., pour embaucher un entrepreneur pour du remplacement de biens de TI). Si nous voulons conclure un contrat par l’intermédiaire de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC), seuls la BFC Kingston et les points de contact de la GENPERSMIL ont l’autorité de le faire. » (Entrevue avec un membre de l’Escadre de coordination)
    4. « D’une perspective universitaire, la GENPERSMIL “est une source de bruit”. Même si les examens de bout en bout et les examens des ID GPM sont vus comme un engagement positif, il difficile de distinguer les moments quand la GENPERSMIL facilite la mission et quand elle lui nuit. Une pratique récente consiste à refuser les pouvoirs. Beaucoup de dossiers doivent aller au commandant ACD. Par exemple, un protocole d’entente sous l’autorité de l’Escadre des études doit aller au commandant avant de procéder à l’examen juridique. Il semble y avoir une aversion au risque supérieure aux contraintes habituellement imposées au MDN et aux FAC. Par exemple, la remise en question de la fréquentation du CMR par des étudiants étrangers (il serait utile que l’ACD nous fournisse une orientation et une directive sur les étudiants qui peuvent être acceptés et les pays acceptés). Pourquoi l’ACD est-elle sur le campus du CMR? (l’état-major du QG est présent sur le campus universitaire). Il y a 15 ou 20 ans, les doyens (il n’y avait pas de vice-recteurs) interagissaient directement avec Ottawa, mais l’établissement de l’ACD a fait cesser ces relations universitaires avec Ottawa. Nous avons besoin d’un Conseil des gouverneurs doté de certains pouvoirs, mais il doit fonctionner au sein de la chaîne de commandement (le Conseil des gouverneurs ne semble pas avoir d’influence importante). Le personnel dans l’édifice Mackenzie a triplé dans les 25 dernières années, et semble demander des comptes à l’Escadre des études. L’Escadre des études dispose d’un très léger soutien administratif : si l’on crée d’autres postes militaires, entraîneront-ils d’autres exigences envers l’Escadre des études? Nous pourrions avoir une meilleure orientation quant au but du CMR, et donner au CMR davantage de pouvoirs pour qu’il y parvienne. » (Entrevue avec un membre de l’Escadre des études)

    Évaluation

    1. Comme nous l’avons indiqué ci-dessus, le CRMC comprend plusieurs escadres, directions et autre personnel. Cependant, à la lumière de l’intérêt qu’a porté l’équipe VAEM spéciale sur l’Escadre d’élèves-officiers, il n’est pas surprenant que la plupart des commentaires visaient les interactions entre l’Escadre d’instruction et l’Escadre des études. Bien que le Directeur des  élèves-officiers est membre du Conseil des études et de l’Assemblée générale des professeurs, et que d’autres membres supérieurs de l’Escadre d’instruction font aussi partie de l’Assemblée générale des professeurs, l’équipe VAEM n’a presque pas entendu parler des structures, des mécanismes ou des personnes responsables pour assurer une compréhension claire et commune du but du CMR et de la coordination nécessaire pour l’atteindre. Cette question est abordée en détail à l’Annexe I, Les quatre piliers du programme.
    2. L’équipe VAEM a jugé que la gouvernance du programme d’études du CMR n’est plus bien servie par l’ensemble disparate de documents désuets parfois contradictoires que sont les OR(Colmilcan), les directives ministérielles et les attributions du Conseil des gouverneurs131. Plus particulièrement, l’absence d’instruments de gouvernance faisant autorité sur les études semble avoir encouragé l’adoption de pratiques suivant les besoins qui ont été empruntées à des universités qui ont été établies dans un cadre juridique différent.
    3. L’équipe VAEM spéciale est aussi préoccupée par le manque possible de capacité du QG ACD/GENPERSMIL pour régler en temps opportun les autres problèmes qui surviennent dans les collèges militaires, et considère, par conséquent, que son rôle, sa structure et sa chaîne de commandement pourraient bénéficier d’un examen. L’équipe VAEM note cependant que d’entreprendre des changements simultanés dans plusieurs domaines peut nuire aux activités des organisations. Il serait alors préférable pour cet examen de suivre l’examen de la gouvernance du programme d’études du CMR, et que ces deux examens tiennent compte, s’il y a lieu, de la possibilité de redonner au CMRSJ le statut de conférer des diplômes.
    4. Recommandations. L’équipe de VAEM formule alors les recommandations suivantes :
      1. Examen du cadre de gouvernance des affaires universitaires du CMR(RECOMMANDATION PRINCIPALE) L’équipe recommande qu’un examen complet soit mené des OR(Colmilcan), des directives ministérielles à l’intention du recteur, et des attributions du Conseil des gouverneurs dans le but d’assurer, dans la mesure du possible au sein du cadre légal et stratégique des FAC, que le programme d’études du CMR soit gouverné d’une manière similaire aux autres universités canadiennes, et que le CMR continue de fonctionner comme une unité des FAC conformément aux lois, aux ordonnances et aux directives qui s’appliquent à ces unités;
      2. Examen de la structure de l’ACD/de la GENPERSMIL(RECOMMANDATION PRINCIPALE)  L’équipe recommande que, à la suite de l’examen du cadre de gouvernance des affaires universitaires, un examen du rôle, de la structure et de la chaîne de commandement de l’ACD/de la GENPERSMIL soit mené, et que les deux examens tiennent compte de la possibilité de redonner au CMRSJ son statut de conférer des diplômes.
    5. Commandement et leadership de l’Escadre des élèves-officiers et confiance des élof/aspm dans le leadership du CMR. Alors que les fonctions du commandant comprennent le bon fonctionnement et la bonne administration du collège conformément aux OR(Colmilcan) et aux autres ordonnances et instructions, publiées de temps à autre, le Directeur des élèves-officiers (D Élof) est responsable de l’exercice quotidien du commandement et de la direction du personnel et des étudiants de l’Escadre militaire (maintenant désignée par Escadre de l’instruction), y compris de ce qui suit :
      1. du rendement, de la supervision, de la discipline, de l’évaluation, de la notation, du bien-être et du moral des élèves-officiers;
      2. de l’orientation de l’instruction militaire, de l’éducation physique et du programme d’athlétisme;
      3. du développement de l’éthique militaire chez les élèves-officiers de son collège;
      4. de la conduite et du déroulement des programmes d’activités parascolaires de caractère récréatif et social;
      5. de la coordination de toutes les cérémonies officielles et de tous les défilés militaires132.
    6. Les OR(Colmilcan) autorisent le commandant d’organiser les élèves-officiers, et que ces derniers puissent jouir de leur ancienneté et y exercer toutes les fonctions au CMR qui leurs sont confiées par le commandant133.  Le commandant a procédé à cette organisation au moyen des Instructions à l’Escadre des élèves-officiers (IE Élof), qui décrivent l’Escadre des élèves-officiers et la chaîne de commandement des élèves-officiers et des aspirants. L’Escadre des élèves-officiers est composée du quartier général de l’Escadre des élèves-officiers et de quatre divisions, et chaque division composée de trois escadrons134. L’ancienneté est créée parmi les élof/aspm au moyen de nominations aux postes de la chaîne de commandement des élèves-officiers (désignés par poste à barrette), ce qui permet à ces élof/aspm d’exercer leur leadership sur leurs subalternes au sein de l’Escadre des élèves-officiers, sous la supervision et le mentorat de l’Escadre d’instruction. Cette structure assure le bon fonctionnement de l’Escadre des élèves-officiers et l’occasion de pratiquer le leadership dans un environnement d’apprentissage135.
    7. Les élof/aspm au niveau de leadership 4 occupent des nominations supérieures dans l’Escadre des élèves-officiers (désigné par « poste à barrettes »), tandis que les élof/aspm au niveau de leadership 3 occupent des postes subalternes136. Les responsabilités de chaque poste à barrettes, y compris les élof/aspm et les postes du personnel du CMR auxquels répondent les élof/aspm occupant un poste à barrettes, sont décrites dans les IE Élof137.
    8. Les OR(Colmilcan) requièrent du commandant d’établir un ensemble de règlements connu sous le nom de « Code de conduite du Collège » pour la gouverne des élof/aspm138. Le Code de conduite complète la chaîne de commandement des élèves-officiers,  et est unique dans le sens que des sanctions peuvent être imposées par le commandant ou un membre de l’Escadre d’instruction, de même que par les élèves-officiers supérieurs139.
    9. En tant que membres des FAC, les élof/aspm demeurent assujettis à la Loi sur la défense nationale, aux ORFC, aux OR(Colmilcan), aux Ordonnances administratives des Forces canadiennes, aux Directives et ordonnances administratives de la Défense, aux Instructions permanentes de la Base des Forces canadiennes Kingston et aux Instructions permanentes du Collège140. Par conséquent, des mesures supplémentaires peuvent être prises en vertu du Code de discipline militaire (Partie III de la Loi sur la défense nationale) si le manquement à l’une ou l’autre des règles du Code de conduite du Collège constitue une infraction militaire141.

    Observations

    1. En ce qui a trait à la sélection des élèves-officiers à la chaîne de commandement des élèves-officiers, les élof/aspm ont signalé que le processus de sélection des élèves pour les postes à barrettes supérieurs (p. ex., le commandant de l’Escadre des élèves-officiers, et les chefs des divisions et des escadrons d’élèves-officiers) requiert des élèves-officiers intéressés de soumettre une note de service accompagnée d’un curriculum vitae, suivie d’une entrevue avec les membres de l’Escadre d’instruction et de l’approbation du Directeur des élèves-officiers ou du commandant. Cependant, l’équipe VAEM a entendu de la part des élèves-officiers que certains élèves-officiers occupants des postes à barrettes, comme le poste d’élève-officier chef d’escadrille, peuvent sélectionner des élèves-officiers pour occuper des postes à barrettes subalternes au sein de leur escadrille. Plusieurs élèves-officiers ont exprimé des préoccupations que cette participation des élof/aspm au processus de sélection manquait de transparence et permettait potentiellement aux élèves-officiers occupant des postes à barrettes supérieurs d’accorder une préférence à leurs amis.
    2. En terme de l’exercice de l’autorité par la chaîne de commandement des élèves-officiers, tandis que certains ont vécu des exemples de mauvais leadership par des élèves qui occupaient des postes à barrettes, (p. ex., de l’abus verbal pendant le Programme d’orientation des élèves-officiers de première année; des élèves-officiers ciblés pour des inspections plus fréquentes de chambre; ou la distribution de réprimandes verbales comme des bonbons), ou étaient mal à l’aise avec l’application des mesures correctives pour corriger les manquements des amis, les élèves-officiers ont tout de même exprimé le désir pour l’Escadre d’instruction d’être moins directive dans ses interactions avec la chaîne de commandement des élèves-officiers :
      1. « Il y a trop de direction et pas assez de mentorat entre l’Escadre d’instruction et la chaîne de commandement des élèves-officiers. Il serait préférable pour l’Escadre d’instruction de donner à la chaîne de commandement des élèves-officiers un état final à atteindre, puis de se retirer pour l’aider à déterminer comment y parvenir et avancer vers cet état final. Cette façon de procéder permettrait à la chaîne de commandement des élèves-officiers de concevoir et de mettre en œuvre un plan (et demander l’aide de l’Escadre d’instruction au besoin), et peut-être d’échouer et d’apprendre de l’échec. » (Entrevue avec un élof/aspm)
      2. « L’Escadre d’instruction devrait donner le but, la raison et l’effet [désiré] pour permettre aux élof/aspm de progresser, accompagnés de mentorat. » (Entrevue avec un élof/aspm)
    3. L’équipe VAEM a entendu de nombreux élof/aspm raconter qu’ils étaient consternés par le nombre de règles au CMR, particulièrement en ce qui a trait à la tenue et au stationnement142. Une deuxième préoccupation des élof/aspm était l’incohérence dans l’application de ces règles. À propos de la tenue, les élof/aspm ont noté qu’ils devaient toujours être en uniforme ou porter la tenue de sortie requise, même lorsqu’ils étaient dans leurs quartiers ou au mess. Ils ont signalé que cette exigence n’a aucun équivalent dans les autres unités des FAC, y compris au CMRSJ et dans les unités d’instruction des FAC. Ils ont suggéré que les règles concernant la tenue ajoutaient au stress général :
      1. « Les élèves-officiers se sentent pris au piège. Ce sentiment n’est pas aidé par la tenue de sortie requise associée au niveau de leadership 1. Cette exigence n’a pas d’équivalent ailleurs dans les FAC. Si le but est de faire en sorte que les élèves-officiers n’aient pas l’air négligé, on peut arriver au même but avec une norme moins élevée. Si l’on impose ces restrictions, les élèves-officiers finiront par avoir le cafard ou enfreindront les règles (et s’ils enfreignent les règles, ne signaleront pas leur sortie, aggravant le problème). Un changement aux règles concernant la tenue améliorerait le moral et réduirait la motivation à enfreindre les règles. (les élèves-officiers de troisième année occupant des postes à barrettes ne veulent pas être ceux qui doivent appliquer les règles). Je suis fondamentalement en désaccord avec les règles concernant la tenue. Ce n’est pas clair pour quelle raison je dois porter un habit pour aller au Tim Horton ou à l’épicerie : cette règle n’apprend pas aux élèves-officiers à faire preuve de jugement dans leur choix d’habit selon les circonstances; elle leur montre à suivre la carte qui montre les tenues autorisées. » (Entrevue avec un élof/aspm)
      2. « En ce qui concerne la norme relative à la tenue : si la question est de faire du centre-ville un endroit de détente, il est alors inutile d’imposer une norme vestimentaire. Tout le monde sait que nous faisons partie du CMR et veut nous en parler; cette norme impose aussi l’obligation financière d’acheter un habit. Le port de la tenue no 4 fait des élèves-officiers des cibles pour l’abus verbal et d’autres formes d’abus, et ils sentent qu’ils ne peuvent pas se défendre parce qu’ils sont en uniforme. » (Entrevue avec un élof/aspm)
      3. « Une “apparence professionnelle” n’est pas obligatoirement un habit avec cravate (selon moi). Nous ne sommes pas traités comme des adultes. Aucune explication ne nous a été donnée au sujet de cette règle, ni sur son importance. » (Entrevue avec un élof/aspm)
      4. Avoir à respecter une norme vestimentaire a une certaine valeur militaire, mais la valeur du port de la tenue no 4 ou d’un habit pour aller en ville ou pour acheter de l’épicerie n’est pas claire. L’anonymat d’une tenue décontractée nous mettrait plus à l’aise (nous aurions moins l’impression d’être sous la loupe). À Saint-Jean, la norme relative à la tenue pour les deux années est plus décontractée, à cause de la perception du public concernant les militaires. » (Entrevue avec un élof/aspm)
    4. Du point de vue d’un élève-officier, les règles relatives à la tenue ont peu de valeur en terme d’enseignement, et sont accompagnées d’un grand nombre de conséquences négatives. Les commentaires qu’a reçus l’équipe VAEM par plusieurs élof/aspm laissent croire que ces conséquences réduisent grandement la chance que ces règles soient respectées ou appliquées par la chaîne de commandement des élèves-officiers143.
      1. « Les normes relatives à la tenue civile devraient être assouplies, parce qu’elles n’apprennent rien aux élèves-officiers (“C’est une règle pour le principe d’avoir une règle” ». (Entrevue avec un élof/aspm)
      2. « Les élèves-officiers supérieurs ne font pas respecter la tenue de sortie, et honnêtement, l’an prochain, je crois que je ne le ferai pas non plus » (Entrevue avec un élof/aspm)
      3. « Nous devons appliquer les règles qui ont de l’importance. » (Entrevue avec un élof/aspm)
    5. Certains élof/aspm ont encore exprimé la préférence pour l’Escadre d’instruction de préciser le but escompté et d’expliquer le raisonnement, ce qui permettrait à la chaîne de commandement des élèves-officiers d’appliquer les principes au lieu d’une longue liste de règles détaillées :
      1. « L’une des conséquences imprévues du nombre et de la nature très prescriptive des règles est de faire sentir aux élèves-officiers qu’ils sont traités comme des enfants (au lieu de leur dire qu’ils ne peuvent pas porter de camisole au gymnase, l’Escadre d’instruction pourrait expliquer le but escompté, celui d’être correctement vêtu, et demander à la chaîne de commandement des élèves-officiers de déceler et de corriger tout écart relativement à ce but). Si l’on donnait aux élèves-officiers une plus grande participation dans l’élaboration des règles, ils seraient plus susceptibles de les respecter et de les faire respecter. » (Entrevue avec un élof/aspm)
      2. « Les IE Élof sont pleines de règles détaillées qui ne sont pas normalement appliquées (mais pour lesquelles les élèves-officiers peuvent être pris en manquement, selon leur chaîne de commandement des élèves-officiers) : la norme est de ne PAS suivre les règles, même si chaque élève-officier signe un formulaire pour confirmer qu’il a lu les IE Élof. Le nombre et le genre de règles font qu’il est nécessaire pour les élèves-officiers de la chaîne de commandement de faire preuve de jugement concernant les règles à faire respecter. » (Entrevue avec un élof/aspm)
      3. « L’Escadre d’instruction interagit principalement avec les quelques élèves-officiers occupant des postes à barrettes supérieurs et avec ceux qui ont de la misère (p. ex., pour les mesures correctives, etc.), donnant ainsi une couleur à leurs interactions avec l’Escadre des élèves-officiers (p. ex., les règles sur la tenue reflètent l’hypothèse que, sans directive détaillée, on ne pourra pas faire confiance aux élèves-officiers de s’habiller correctement; toutefois, cette perspective peut être biaisée par ceux qui reçoivent des mesures correctives pour être sortis en pantalons de jogging et en camisole. Les élèves-officiers sentent qu’on les traite comme des enfants (p. ex., des inspections le lundi, mardi et jeudi; la règle qu’un portefeuille ne peut pas être laissé sur le dessus d’un bureau, etc.). Il n’y a pas de problème avec les normes relatives aux chambres, mais il y a beaucoup d’autres règles qui régissent la conduite. Aussi, l’exigence de rendre partout au CMR au pas cadencé n’a aucun équivalent ailleurs dans les FAC. Les élèves-officiers sont rassurés qu’il n’existe pas d’autre endroit comme le CMRC dans les FAC. Mais si c’est le cas, pourquoi? Les règles ne semblent pas avoir d’effet réel. ». (Entrevue avec un élof/aspm)
    6. Les Instructions de l’Escadre des élèves-officiers autorisent les élèves-officiers de la chaîne de commandement à imposer de l’instruction corrective, et les élèves-officiers occupant des postes à barrettes supérieurs doivent recommander l’application des sanctions (qui sont approuvées par le commandant de l’Escadron). Toutefois, plusieurs élof/aspm ont mentionné l’introduction récente d’une matrice de sanctions, un tableau qui énumère des manquements de conduite et les sanctions appropriées correspondantes (refus de privilège) qui doivent être appliquées à l’égard de chacun des manquements, selon le niveau de leadership de l’élève-officier144. Bien que l’arrivée d’une matrice des sanctions a permis d’uniformiser les punitions dans tous les escadrons, certains élof/aspm ont noté qu’elle a aussi retiré la latitude du leadership à choisir la meilleure mesure pour corriger un manquement :
      1. « Le plus gros problème au CMR est la micro-gestion! Je comprends que la matrice des sanctions était censée uniformiser les pratiques, mais quelle valeur en terme de leadership dois-je retirer d’avoir à suivre une matrice? On nous regarde toujours d’en haut, ce qui m’enlève toute capacité de leadership. On ne nous a jamais dit pourquoi. » (Entrevue avec un élof/aspm)
      2. « L’imposition de la matrice des sanctions a entraîné la perte de la capacité des leaders supérieurs d’imposer la sanction appropriée (p. ex., l’exigence pour un élof/aspm qui ne s’est pas réveillé à l’heure un matin d’avoir à réveiller un élof occupant un poste à barrettes tous les matins, pleinement vêtu et frais rasé). Je comprends que la matrice a été imposée pour avoir de la cohérence et faire cesser les excès, mais elle enlève toute latitude. Le port de la tenue no 4 et des guêtres est maintenant commun, particulièrement pour les infractions de stationnement. » (Entrevue avec un élof/aspm)
    7. Comme l’a reconnu un membre de l’Escadre des études, si l’on donne aux élof/aspm plus de latitude, on risque d’augmenter la possibilité d’échec, ce qui constituerait un risque pour l’Escadre d’instruction. Or, le fait que les élof/aspm soient prêts à risquer un échec était, à son avis, essentiel pour que le CMR atteigne son objectif :
      1. « Il faut donner la chance aux subalternes de connaître un échec, mais c’est plus difficile de nos jours, car les superviseurs veulent recevoir une évaluation positive qui constate leur réussite. » « Il faut procéder à une réforme culturelle énorme, mais comment s’y prendre? » L’Escadre militaire ne peut pas superviser les élof; les élof doivent se superviser entre eux. Autrement, nous produisons une société de bébés. C’est ce qui se serait déroulé par le passé. Une supervision militaire plus solide aurait enterré les problèmes. Cependant, il faut qu’il y ait du mentorat. Il faut faire en sorte que les élof puissent mentionner à leurs pairs que leurs chaussures ne brillent pas suffisamment. Les présences en classe sont un exemple de règles dont on tente d’assurer l’application. Mais les élof faussent leur présence. Il faut s’en servir d’exemple. On doit être prêts à placer la barre à un certain niveau et laisser que les gens échouent (p.ex., l’élof qui avait volé des ordinateurs; il a été traduit en cour martiale, mais il a tout de même reçu son brevet d’officier). » « La loyauté entre les pairs est un triple lien alors que le reste n’est qu’un lien simple. » « Si l’on supervisait les élof tout le temps, le CMR ne produirait pas d’officiers. Il faudrait socialiser à nouveau les élof après qu’ils ont obtenu leur brevet. » (Entrevue avec un membre de l’Escadre des études.).

      Évaluation

      1. Bien que le processus des candidatures aux postes à barrettes supérieurs requiert une forte participation de l’Escadre d’instruction et son approbation, il semblerait que la sélection des titulaires des postes à barrettes subordonnés soit influencée considérablement par les recommandations d’élof/aspm présentées au commandant de l’escadron. Cette manière de faire soulève des préoccupations quant au manque de transparence et à la possibilité que l’amitié influence le processus. L’équipe VAEM spéciale formule la recommandation suivante :
        1. Sélection des titulaires de postes à barrettes. (Recommandation secondaire) L’équipe recommande que le CMR s’assure que les recommandations d’élof/aspm continuent de faire partie du processus de sélection lié aux postes à barrettes. Or, l’Escadre d’instruction devrait examiner soigneusement les recommandations afin de s’assurer que l’élof/aspm choisi convient le mieux au poste en question. Il s’agit notamment de nommer les élof/aspm à des postes à barrettes dans d’autres escadrilles ou escadrons afin d’éviter qu’ils aient à exercer leur autorité sur leurs amis.
      2. Bien que l’équipe VAEM spéciale ait eu vent de certaines mauvaises pratiques de leadership exercées par la chaîne de commandement des élèves-officiers et des aspirants, plusieurs personnes ont indiqué que l’Escadre d’instruction devrait adopter une approche moins prescriptive à l’égard de cette chaîne de commandement, indiquant plutôt les résultats escomptés ainsi que le bien-fondé, et permettre à la chaîne de commandement des élèves-officiers et des aspirants de déterminer (avec le concours de l’Escadre d’instruction) comment obtenir ces résultats. Bon nombre d’élof/aspm ont également soulevé des préoccupations quant à la quantité de règles détaillées dans les IE Élof (surtout celles qui n’ont manifestement aucune valeur en matière d’instruction du point de vue d’un élof/aspm) ainsi qu’au manque de souplesse associé à la matrice des sanctions. Ces observations sont particulièrement préoccupantes, car elles laissent entendre à l’équipe VAEM spéciale que le doute qu’entretiennent les élof/aspm au sujet de la pertinence des règles des IE Élof pourrait réduire considérablement les bienfaits pour l’instruction qu’apporte l’obligation de suivre et (lorsque l’on prend part à la chaîne de commandement des élèves-officiers et des aspirants) d’assurer le respect des règles. Cela pourrait nuire à l’expérience qu’offre le CMR aux élof/aspm pour les préparer à exercer les fonctions d’officiers des FAC. L’équipe VAEM spéciale formule la recommandation suivante :
        1. Examen exhaustif des IE ÉLOF. (RECOMMANDATION PRINCIPALE) L’équipe recommande qu’un examen des IE ÉLOF soit effectué, de concert avec des représentants de l’Escadre des élèves-officiers et de l’Escadre d’instruction, afin de relever les règles qui pourraient être remplacées par des résultats souhaités, et qu’une démarche semblable axée sur les résultats soit adoptée par l’Escadre d’instruction pour ce qui est de la communication de directives à l’intention de l’Escadre des élèves-officiers.
      3. Confiance des élof/asp à l’égard de la direction du CMR. L’équipe VAEM spéciale est d’avis que la confiance qu’éprouvent les élof/asp à l’égard de la direction du CMR, tout comme le moral (exposé en détail à l’annexe E), est variable et influencée par une série de facteurs qui ne sont pas tous du ressort du Collège et dont la plupart ont été soulevés dans le présent rapport et ses annexes. L’équipe VAEM spéciale remarque pourtant que le leadership au sein d’une unité des FAC est une responsabilité partagée, et ceux qui sont le plus près des élof/aspm, qu’ils soient civils ou militaire, sont particulièrement bien placés pour augmenter leur confiance en donnant l’exemple au quotidien de traits et de styles de leadership. L’équipe VAEM spéciale juge qu’il n’est pas nécessaire de formuler une recommandation particulière à ce sujet puisque bon nombre des recommandations formulées dans le présent rapport règlent déjà la question.

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