Message du directeur des poursuites militaires

Colonel Bruce MacGregor, CD, c.r.
Directeur des poursuites militaires

Je suis heureux de présenter le rapport annuel du directeur des poursuites militaires (DPM) pour la période visée de 2018-2019; il s’agit de mon cinquième rapport annuel depuis ma nomination par le ministre de la Défense nationale le 20 octobre 2014.

En tant que commandant, c’est avec une grande fierté que j’ai le privilège de diriger le Service canadien des poursuites militaires (SCPM), organisation composée de gens talentueux. Malgré les nombreuses difficultés auxquelles le SCPM a été confronté cette année, nous avons été en mesure de contribuer au maintien du moral, de la discipline et de l’efficacité des Forces armées canadiennes (FAC) ainsi que des hommes et des femmes qui servent leur pays avec distinction.

En septembre 2018, la Cour d’appel de la cour martiale (CACM) a rendu sa décision dans l’affaire R. c. Beaudry. Malgré deux décisions contraires rendues antérieurement, la CACM a soutenu que l’alinéa 130(1)a) de la Loi sur la défense nationale contrevient à l’alinéa 11f) de la Charte canadienne des droits et libertés. Cette décision a eu pour effet immédiat que le SCPM n’était plus en mesure d’engager des poursuites lorsque les personnes sont accusées d’infractions en vertu de cette alinéa et qu’elles sont passibles d’une peine d’emprisonnement de plus de cinq ans. Lorsque cette décision a été rendue, près de la moitié de notre charge de travail annuelle a été touchée.

Moins de 48 heures après que la CACM eut rendu sa décision, notre équipe a fait appel au nom du ministre de la Défense nationale et a déposé deux requêtes à la Cour suprême du Canada (CSC) – une première pour demander une suspension d’exécution de la déclaration d’invalidité et une deuxième pour rattacher cette décision à l’affaire R. c. Stillman qui était déjà devant la CSC sur le même sujet.

Le 14 janvier 2019, la CSC a refusé la demande de suspension d’exécution. J’ai immédiatement ordonné à tous les membres de mon équipe d’examiner les causes touchées grâce à une approche fondée sur des principes pour déterminer si ces affaires pouvaient encore être traitées par le système de justice militaire ou si elles devaient être transmises au système de justice civile. Chaque fois qu’il y avait des victimes, j’ai exigé que celles-ci soient consultées et informées avant de prendre une décision.

C’est un euphémisme de dire que cette situation compliquait la tâche de notre organisation et notre capacité à continuer d’intenter des poursuites à l’intérieur du système de justice militaire. En tout temps, nous avons concilié la nécessité de tenir les personnes accusées d’infractions responsables de leurs actes aux intérêts des victimes et aux droits de l’accusé à être jugé dans un délai raisonnable comme l’a indiqué la CSC récemment dans l’affaire R. c. Jordan. Le 26 mars 2019, les causes de Beaudry et Stillman ont été plaidées devant la CSC et une décision est attendue au cours de la prochaine période de référence.

Par ailleurs, au cours de la dernière période visée par le rapport, le vérificateur général du Canada a rendu compte de l’administration de la justice militaire dans son rapport du printemps 2018. Ce rapport relatait un certain nombre de préoccupations relatives au retard, aux preuves à l’appui des principales décisions dans les dossiers de la cour martiale et à l’indépendance du DPM. Le vérificateur général a fait une série de recommandations qui ont été acceptées, conduisant mon équipe à revoir les politiques et procédures en place afin d’optimiser l’utilisation des ressources et d’améliorer la consignation des motifs appuyant les décisions relatives à la poursuite.

Quant à mon indépendance, je poursuis, entre autres, ma collaboration avec le juge-avocat général (JAG) pour éviter que des conflits ne surviennent dans l’obligation pour les procureurs d’agir dans l’intérêt public. Le vérificateur général reconnaît bien que l’indépendance des procureurs exempte de toute forme d’interférence est l’une des clés du bon fonctionnement du système de justice pénale.

Au cours de la dernière période de référence, la CACM a rendu plusieurs décisions en appel et l’affaire R. c. Gagnon a été plaidée devant la CSC. Cette affaire portant sur un cas d’agression sexuelle a permis de confirmer de manière unanime et sur le banc par la CSC l’obligation pour l’accusé de prendre des mesures raisonnables pour s’assurer que la plaignante ou le plaignant consent à une activité sexuelle. À la CACM, hormis l’affaire Beaudry, le tribunal a rendu deux décisions à l’égard de R. c. Edmunds et R. c. Cadieux. En outre, au nom du ministre, j’ai interjeté appel de quatre décisions de la cour martiale devant la CACM sur plusieurs questions de droit dans R. c. Bannister, R. c. MacIntyre, R. c. Edwards et R. c. Spriggs. Toutes ces causes sont examinées de façon approfondie au chapitre trois.

Au cours de la dernière période visée par le rapport, je me suis employé à m’engager dans des activités de sensibilisation stratégique avec des membres des FAC et des procureurs militaires et civils, à l’échelle nationale et internationale, par l’intermédiaire du Comité fédéral-provincial-territorial des chefs des poursuites pénales et de l’Association internationale des procureurs et poursuivants. Ces organisations cherchent à favoriser les bonnes relations entre les organismes de poursuites ainsi qu’à faciliter l’échange et la diffusion de l’information, de l’expertise et de l’expérience dans les domaines relatifs au droit criminel et à la gestion de la pratique. Ces relations nous permettent d’améliorer non seulement le déroulement des poursuites au SCPM, notamment grâce au partage des pratiques exemplaires, mais également de renforcer la légitimité du système de justice militaire du Canada.

Afin de poursuivre le perfectionnement professionnel des procureurs, j’accorde aussi une priorité élevée aux possibilités de formation et de développement. Compte tenu du nombre de jeunes cadres parmi les procureurs militaires au sein du SCPM, la formation devient un volet essentiel pour améliorer les compétences de base en matière de poursuites de notre personnel. À cette fin, les procureurs ont participé à diverses activités de formation, y compris certains procureurs qui travaillaient aux côtés de nos homologues civils grâce à des protocoles d’entente avec les services des poursuites provinciaux pour intenter des poursuites sous le mentorat d’un avocat civil de la Couronne. Compte tenu de la charge de travail considérable et de la cadence élevée tout au long de l’année, la plupart des dirigeants du SCPM sont intervenus dans les deux appels devant la CSC, et ils ont offert de l’aide et des conseils sur un nombre d’affaires extrêmement élevé qui a été plaidé à la CACM cette année. Ceci a limité la capacité de l’organisation d’offrir le même niveau de formation et de mentorat à l’interne que par le passé, augmentant du même coup la nécessité de maximiser le recours à la formation externe.

Enfin, cette année, notre système de gestion électronique des cas s’est grandement développé et amélioré. En assurant un suivi de toutes les affaires en cour martiale, ce système accroît la capacité de reddition de compte et réduit les délais globaux pour améliorer la transparence et l’efficience du système des cours martiales. En réponse à la recommandation du vérificateur général de mettre en place un système de gestion des dossiers pour surveiller et gérer le progrès et l’achèvement des affaires militaires, le système de gestion des dossiers a été mis en oeuvre le 1er juin 2018. Le travail effectué cette année pour améliorer le système de gestion des dossiers fait l’objet d’un examen plus approfondi au chapitre huit.

Pour terminer, le SCPM a été très occupé dans la dernière année et nous avons dû surmonter de multiples défis, mais je veux profiter de l’occasion pour remercier toute mon équipe pour son dévouement, sa ténacité et son professionnalisme pour avoir relevé avec succès chacun de ces défis tout en continuant d’appuyer la primauté du droit et de soutenir le maintien de la discipline, de l’efficacité et du moral dans les Forces armées canadiennes.

ORDO PER JUSTITIA

Colonel Bruce MacGregor, CD, c.r.
Directeur des poursuites militaires

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