Ligne directrice : Bactériothérapie fécale utilisée dans le traitement de l'infection à Clostridioides difficile qui ne répond pas aux traitements classiques

Publication autorisée par le Ministre de la Santé

Date d'adoption : 2015-03-27
Date d'entrée en vigueur : 2015-03-27
Date des changements administratifs : 2022-09-26

Direction générale des produits de santé et des aliments

Notre mission est d'aider les Canadiennes et les Canadiens à maintenir et à améliorer leur état de santé.

Santé Canada

Notre mandat consiste à adopter une approche intégrée de la gestion des risques et des avantages pour la santé liés aux produits de santé et aux aliments :

  • en réduisant les facteurs de risque pour la santé des Canadiens et Canadiennes tout en maximisant la protection offerte par le système réglementaire des produits de santé et des aliments; et
  • en favorisant des conditions qui permettent aux Canadiens et Canadiennes de faire des choix sains ainsi qu'en leur donnant des renseignements afin qu'ils ou qu'elles puissent prendre des décisions éclairées en ce qui a trait à leur santé.

Direction générale des produits de santé et des aliments

© Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux du Canada, 2020

Date de publication : mars 2020

Diffusé au Canada par :

Santé Canada - Publications
Indice de l'adresse 0900C2
Ottawa (Ontario)
K1A 0K9

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Téléphone : 613-957-2991 ou 1-866-225-0709
Télécopieur : 613-941-5366
Téléimprimeur : 1-800-465-7735 (Service Canada)

Also available in English under the title: Fecal microbiota therapy used in the treatment of Clostridioides difficile infection not responsive to conventional therapies

Nº au catalogue :  H164-287/2019F-PDF
ISBN : 978-0-660-31994-0

Avant-propos

Les lignes directrices sont des documents destinées à guider l'industrie et les professionnels de la santé sur comment se conformer aux lois et aux règlements en vigueur. Elles renseignent également le personnel de Santé Canada sur la façon de réaliser le mandat et les objectifs de Santé Canada de manière juste, uniforme et efficace.

Les lignes directrices sont des outils administratifs n'ayant pas force de loi, ce qui permet une certaine souplesse d'approche. Il est possible que les principes et les pratiques énoncés dans le présent document puissent être remplacés par d'autres approches, à condition que celles-ci s'appuient sur une justification adéquate. Il faut d'abord discuter de ces autres approches avec le programme pertinent pour s'assurer qu'elles respectent les exigences des lois et des règlements applicables.

Corollairement à ce qui précède, il importe également de préciser que Santé Canada se réserve le droit de demander des renseignements ou du matériel supplémentaires, ou de définir des conditions dont il n'est pas explicitement question dans la présente ligne directrice, afin que le Ministère puisse être en mesure d'évaluer adéquatement l'innocuité, l'efficacité ou la qualité d'un produit thérapeutique donné. Santé Canada s'engage à justifier ses demandes et à documenter clairement ses décisions.

Il convient de consulter le présent document en tenant compte de l'avis qui l'accompagne et des sections pertinentes des autres lignes directrices qui s'appliquent.

 
Registre des modifications du document
Version Emplacement du changement Changement apporté Date d'entrée en vigueur
1 Sans objet Publication initiale du document 2015/03/27
2 Sans objet Changements apportés en réponse aux commentaires reçus au terme de la période de consultation 2015/08/21
3 Sans objet Changements apportés pour assurer la concordance entre les deux versions linguistiques et pour corriger des erreurs rédactionnelles. 2016/08/09
4 Page 9 Exigences supplémentaires de sélection des donneurs ajoutées 2019/07/31
5 Page 8 et 9
Exigences supplémentaires de sélection des donneurs ajoutées concernant SRAS-CoV-2
2020/03/27
6 Page 8 Ajout d'exigences supplémentaires pour la sélection des donneurs concernant le virus de la variole du singe, Escherichia coli et Escherichia coli productrice de shigatoxine. 2022/09/26
 

Table des matières

1. Introduction

La bactériothérapie fécale désigne le transfert de bactéries et d'antibactériens naturels des matières fécales d'une personne en santé vers l'intestin d'un patient par lavement, colonoscopie ou autre moyen, ayant pour objectif le rétablissement de la flore bactérienne. Bien qu'elle soit présente dans la documentation scientifique depuis les années 1950, c'est dans les dernières années qu'un nouvel intérêt s'est manifesté pour la bactériothérapie fécale.

Avec l'augmentation des cas d'infections à Clostridioides difficile (C. difficile), et la baisse de l'efficacité des traitements antibiotiques classiques, la bactériothérapie fécale constitue un traitement de rechange, habituellement utilisé en dernier recours. Même si les mécanismes qui permettent à cette thérapie d'éliminer les infections à C. difficile restent obscurs, de plus en plus d'études sont publiées sur le sujet et la plupart d'entre elles rapportent des taux de guérison élevés et de faibles risques de rechute, sans effets indésirables graves.

1.1. Objectifs stratégiques

Santé Canada reconnaît que les infections à C. difficile constituent un fardeau tant pour le système de santé au Canada que pour les patients atteints. Tout en établissant que la bactériothérapie fécale constitue un nouveau médicament biologique de recherche dont l'étude doit faire l'objet d'un essai clinique autorisé, le Ministère reconnaît aussi le rôle grandissant de ce traitement pour les patients atteints d'infections à C. difficile. Il est donc devenu nécessaire de permettre un meilleur accès à la bactériothérapie fécale tout en maintenant des mesures adéquates de protection des patients.

1.2. Énoncés de politique

Santé Canada informe les intervenants de sa politique provisoire, fondée sur le risque, relative aux exigences en matière d'essais cliniques pour la bactériothérapie fécale utilisée pour traiter les patients atteints d'infection à C. difficile qui ne répondent pas aux traitements classiques.

Les recherches menées jusqu'à présent sur le traitement des infections à C. difficile par bactériothérapie fécale sont très encourageantes et Santé Canada soutient la poursuite des recherches dans ce domaine. En effet, les données actuelles confirment l'innocuité et l'efficacité du recours à la bactériothérapie fécale pour traiter les patients atteints d'infections à C. difficile qui ne répondent pas aux traitements classiques.

Santé Canada considère que la matière fécale utilisée dans une bactériothérapie fécale répond à la définition de drogue en vertu de la Loi sur les aliments et drogues et, par conséquent, réglemente ce traitement à titre de nouveau médicament biologique. L'étude d'un nouveau médicament biologique exige une évaluation des risques et des avantages qui mette l'accent sur la qualité, l'innocuité et l'efficacité du médicament dans le contexte d'une demande d'essai clinique (DEC). En effet, puisqu'aucune entreprise ou personne n'a cherché à obtenir d'autorisations de mise en marché des matières utilisées par la bactériothérapie fécale, le traitement est jugé expérimental et, par conséquent, ne doit être administré que dans le contexte d'un essai clinique autorisé.

Tout comme pour les autres médicaments biologiques issus de sources humaines, des normes de sélection des donneurs doivent s'appliquer pour s'assurer que les donneurs sont en santé et ne sont pas porteurs de maladies infectieuses, notamment le VIH ou les hépatites virales. Il faut aussi vérifier si les donneurs ne seraient pas aussi porteurs d'autres pathogènes intestinaux qui pourraient nuire au receveur.

Jusqu'à présent, l'infection à C. difficile est la seule indication pour laquelle la bactériothérapie fécale s'est avérée sécuritaire et efficace. Par conséquent, c'est le seul état pathologique pour lequel la bactériothérapie fécale mérite d'être envisagée à l'extérieur des dispositions réglementaires directes d'un essai clinique expérimental, en autant que les conditions de la présente ligne directrice soient respectées.

La présente politique provisoire permet donc aux praticiens de la santé de traiter les patients atteints d'infections à C. difficile par la bactériothérapie fécale en dehors du cadre habituel d'un essai clinique si les conditions de la présente ligne directrice sont respectées. Un praticien est une personne qui, d'une part, est autorisée en vertu des lois d'une province à traiter les patients au moyen d'un médicament sur ordonnance et, d'autre part, exerce sa profession dans cette province.

À compter de maintenant, cette politique relative aux exigences en matière d'essais cliniques s'appliquera provisoirement pendant que le Ministère poursuit son examen des options réglementaires dans l'élaboration de sa future politique relative à la bactériothérapie fécale.

1.3. Portée et application

La portée de la présente politique provisoire, fondée sur le risque, relative aux exigences en matière d'essais cliniques se limite à la bactériothérapie fécale classique ( fraîche ou congelée) utilisée pour traiter les patients avec des infections à C. difficile qui ne répondent pas aux traitements classiques, et les conditions mentionnées à la section 2 doivent être respectées.

La présente politique provisoire ne s'applique pas aux bactériothérapies fécales suivantes :

  • celles qui sont produites à partir d'une ou de nombreuses souches de microorganismes qui utilisent un système de culture ou d'expansion in vitro;
  • celles qui contiennent un excipient nouveau (p. ex., une substance cryoprotectice) et en concentration autre que celle présente normalement dans la flore intestinale et pour laquelle il n'existe pas de données sur l'innocuité pour justifier son utilisation;
  • celles utilisées dans une étude clinique comparative.

Pour ces bactériothérapies fécales, il faut présenter une DEC à Santé Canada qui doit l'autoriser, avant leur administration.

La présente politique provisoire se limite à la bactériothérapie fécale utilisée pour traiter des patients infectés par le C. difficile. Dans tous les autres cas, la bactériothérapie fécale doit encore être administrée dans le contexte d'un essai clinique autorisé par Santé Canada.

Les personnes intéressées à présenter une demande devraient consulter Santé Canada afin d'établir, le cas échéant, l'applicabilité de la présente politique provisoire.

2. Directives sur la mise en œuvre

Santé Canada appliquera une politique provisoire, fondée sur le risque, relative aux exigences en matière d'essais cliniques pour la bactériothérapie fécale utilisée pour traiter les patients atteints d'infections à C. difficile qui ne répondent pas aux traitements classiques. La bactériothérapie fécale pourra être utilisée dans le traitement des patients atteints d'infections à C. difficile qui ne répondent pas aux traitements classiques en dehors du cadre d'un essai clinique autorisé si les conditions suivantes sont remplies :

  1. Le praticien de la santé qui traite le patient obtient son consentement éclairé ou celui d'une personne agissant en son nom pour l'utilisation de la bactériothérapie fécale.
  2. Les selles utilisées pour préparer la bactériothérapie fécale proviennent d'un donneur unique connu du patient ou du praticien de la santé qui traite le patient. Par conséquent, des selles mises en commun à partir de donneurs multiples ne devraient pas être utilisées pour préparer une bactériothérapie fécale.
  3. Des selles d'un donneur à risque de transmission d'une maladie infectieuse ou d'un pathogène dangereux pour le receveur ne sont pas utilisées pour préparer une bactériothérapie fécale.
  4. Le dépistage des donneurs est effectué avec des questions visant à identifier les donneurs qui peuvent être actuellement ou récemment infectés par le SRAS-CoV-2 Le dépistage des donneurs doit indiquer si le donneur a eu ou présente des symptômes suggérant une infection au SRAS-CoV-2 depuis le 1er décembre 2019.Le dépistage des donneurs doit inclure les antécédents de voyage et les contacts avec les personnes infectées.
  5. Le dépistage des donneurs est effectué avec des questions visant à identifier les donneurs qui présentent un risque élevé de contracter la variole du singe, qui peuvent être actuellement infectés par le virus de la variole du singe ou qui peuvent avoir été récemment infectés par le virus de la variole du singe.
  6. Les donneurs de selles devraient faire l'objet de tests rigoureux pour le dépistage de toutes les maladies infectieuses pertinentes, notamment le VIH et les hépatites virales. Les donneurs apparentés ou qui vivent ensemble peuvent être considérés. En utilisant une approche fondée sur le risque, les donneurs devraient aussi faire l'objet de tests pour le dépistage d'autres pathogènes intestinaux et de maladies infectieuses qui pourraient nuire au receveur. L'évaluation préliminaire d'un donneur peut comprendre, sans s'y limiter, le dépistage des microorganismes et des maladies suivantes :
    • variole du singe
    • SRAS-CoV-2
    • VIH-1/2
    • hépatites B et C
    • HTLV-I/II
    • syphilis
    • Helicobacter pylori
    • pathogènes entériques (Shigella, espèces de Salmonella, Yersinia, Campylobacter, E. coli 0157-H7 ne métabolisant pas le sorbitol, Plesiomonas, Aeromonas, toxines Shiga)
    • bactéries multirésistantes [au minimum : entérocoque résistant à la vancomycine (ERV), Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (SARM), entérobactéries productrices de bêta-lactamases à spectre étendu, (BLSE), et entérobactéries productrices de carbapénémase (EPC)
    • Escherichia coli entéropathogène (EPEC) et Escherichia coli productrice de shigatoxines (STEC) par des tests d'amplification de l'acide nucléique (TAAN)
    • Vibrio
    • Listeria
    • norovirus
    • rotavirus
    • adénovirus
    • œufs de parasites
    • protozoaires
    • parasites
    • malaria
    • maladie de Chagas
    • babésiose
    • maladie de Creutzfeldt-Jakob
    • maladies à prions associées aux greffes de dure-mère
    • gonorrhée
    • Chlamydia
    • cancer
    Il faut donc utiliser une combinaison de méthodes de détection et d'évaluation appropriées pour déterminer si le donneur est en bonne santé au moment du don de selles pour la bactériothérapie fécale (p. ex., analyses de sang et de selles pour y déceler des marqueurs pertinents de maladies transmissibles; questionnaire sur les antécédents médicaux et les habitudes de vie du donneur pour déterminer les comportements à risque; examens physiques). Des échantillons fécaux et sérologiques du donneur devraient être prélevés avant le don de selles et contrôlés par un laboratoire compétent dans des délais appropriés pour garantir une détection optimale de toute maladie infectieuse. L'étendue du dépistage chez les donneurs et le calendrier des tests effectués doivent être justifiés. Doivent aussi être exclus les donneurs qui peuvent transmettre des substances indésirables (p. ex., toxines de C. difficile, antibiotiques, agents immunosuppresseurs systémiques ou biologiques, agents antinéoplasiques systémiques et glucocorticoïdes exogènes, médicaments anti-diarrhéiques, huile minérale, bismuth, magnésium ou kaolin), qui pourraient avoir une incidence sur l'innocuité ou l'efficacité de la bactériothérapie fécale ou sur la sécurité du patient.
  7. Le praticien de la santé doit conserver des dossiers sur le donneur et sur le receveur dans le contexte d'un programme de traçabilité en cas de transmission d'une maladie.

3. Conformité et application

La santé des patients relève principalement de leur médecin traitant et de l'hôpital ou d'un autre établissement de soins de santé. Les médecins et autres professionnels de la santé sont responsables du choix des produits de santé qu'ils administrent, vendent ou prescrivent aux patients. Les professionnels de la santé sont généralement régis par les ordres professionnels et/ou par les lois provinciales, mais ils peuvent aussi avoir des obligations en vertu de la Loi sur les aliments et drogues et ses règlements connexes.  

3.1. Surveillance de la conformité

Toute personne peut devenir une partie réglementée par Santé Canada si une de ses activités est assujettie à la Loi sur les aliments et drogues et à ses règlements connexes. Par exemple, cela pourrait inclure la fabrication, l'importation ou la vente de produits de santé. Une partie réglementée doit comprendre la loi et en assurer le respect.

3.2. Pouvoirs des inspecteurs

Les inspecteurs de Santé Canada exercent une autorité réglementaire en vertu de l'article 23 de la Loi sur les aliments et drogues. Les inspecteurs désignés ont le pouvoir d'effectuer des inspections pour évaluer le respect des lignes directrices ou des exigences législatives. Dans de telles circonstances, les parties prenantes doivent coopérer avec les fonctionnaires de Santé Canada pour faciliter l'évaluation de la conformité.

L'Inspectorat de la Direction des produits de santé et des aliments (l'Inspectorat) adopte une approche fondée sur les risques pour les activités de conformité et d'application de la loi. En cas d'incident de non-conformité, l'Inspectorat évalue le niveau de risque qui y est associé, puis en établit la priorité. Si des mesures s'avèrent nécessaires pour traiter l'incident, l'Inspectorat prend habituellement des mesures proportionnelles au niveau du risque.

4. Formulaire de déclaration relative à la bactériothérapie fécale utilisée dans le traitement de l'infection à Clostridioides difficile qui ne répond pas aux traitements classiques

Avant d'entreprendre l'utilisation de la bactériothérapie fécale pour traiter des patients infectés par le C. difficile qui ne répondent pas aux traitements classiques, les établissements de santé doivent fournir à la Direction des médicaments biologiques et radiopharmaceutiques une déclaration (voir annexe 1, Formulaire de déclaration relative à la bactériothérapie fécale utilisée dans le traitement de l'infection à Clostridioides difficile qui ne répond pas aux traitements classiques). Ce formulaire permettra à Santé Canada de colliger les données sur les personnes-ressource afin de communiquer rapidement avec tous les établissements concernés, au besoin.

Les formulaires de déclaration doivent être acheminés à l'adresse suivante :

Bureau des affaires réglementaires
Direction des médicaments biologiques et radiopharmaceutiques
Direction générale des produits de santé et des aliments
Santé Canada
100, promenade Églantine, Pré Tunney
Indice de l'adresse : 0601C
Pré Tunney,
Ottawa (Ontario)
K1A 0K9

Courriel : brdd.ora@hc-sc.gc.ca
Téléphone : 613-957-1722
Téléimprimeur : 1-800-465-7735 (Service Canada)

5. Coordonnées

5.1. Bureau des affaires réglementaires

Les demandes de renseignements concernant la présente Ligne directrice doivent être acheminées au Bureau des affaires réglementaires.

5.2. Déclaration des effets indésirables aux médicaments

Les déclarations d'effets indésirables aux médicaments doivent être soumises directement au Programme Canada Vigilance.

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